Apprendre à échanger des points de vue divergents: la valeur ajouté des TIC

C’est le sujet développé lors de ma chronique du 22 mars de l’émission «Citoyen Numérique». Pour toutes sortes de bonnes raisons, l’émission n’est pas totalement accessible par le téléchargement sur le site, mais une bonne partie de ma chronique a été sauvegardée. Je rappellerai tout de même ici les grandes lignes de mon propos…

  • C’est cette séquence sur Youtube où notre premier ministre (pour deux jours au moins encore) «argumente» avec un citoyen qui m’a donné l’idée de la chronique. De fait, ce dialogue de sourds montre le besoin d’apprendre à échanger des points de vue divergents.
  • L’école (primaire autant que secondaire) est encore empreinte d’une culture de contrôle, de rang, de silence et de grandes contraintes. Au-delà de ce qu’on peut penser de l’extérieur, on n’apprend pas beaucoup aux jeunes à s’affirmer. Souvent, la pression monte et tel un «presto», la vapeur siffle par les ouvertures qui se présentent au lieu d’être canalisé par un apprentissage encadré d’échanges encourageant le dialogue. Pas facile dans une école si on est un jeune plutôt discret et intraverti de faire sa place dans un monde où la valeur du «silence s’il vous plaît» est trop souvent érigé en absolue… Il y aurait des nuances à faire, mais pour le développement de ce sujet, il convient de montrer comment les problèmes de violence chez les jeunes, les gangs de rue et le suicide même, prennent racine dans le fait de ne pas avoir appris à mettre des mots sur ses émotions!
  • Deux groupes d’arguments sont utilisés par les jeunes qui utilisent les TIC lorsqu’on les interroge sur la valeur ajoutée des outils pour échanger des points de vue: le fait qu’on ne peut être interrompu et la reconnaissance des pairs. J’ai souvent entendu des étudiants (des garçons en particulier), raconter qu’un des gros avantages des blogues, des courriels et des forums de discussion étaient qu’on peut prendre le temps de s’expliquer avant que le point de vue de l’autre avec qui on échange arrive. Le fait de ne pas avoir accès aux micros-langage de nos interlocuteurs peut entraîner une plus grande «désinhibition» que souhaitée, mais force est d’admettre que ces modes de discussion souvent asynchrones permettent à chacun d’aller au bout de sa pensée avant de recevoir celle de l’autre et en plus, on prend souvent plus de temps pour prendre connaissance du point de vue de l’autre puisqu’on a le temps de répondre. Il arrive qu’on laisse aller quelque chose qu’on voudrait bien reprendre, mais en général, il semble que ce soit plus facile d’argumenter qu’en face à face… Ensuite, l’idée que le blogue personnel soit l’objet de beaucoup d’attention de la part des pairs fait dire à plusieurs que le sentiment d’exister est plus grand. Tout comme le fait de se promener avec son cellulaire peut nous permettre d’être rejoint en tout temps, le blogue devient un lieu de reconnaissance privilégié.
  • Tout le monde connaît l’importance d’obtenir une réponse à une demande, quelle qu’elle soit. Dans les échanges sur le Web, les jeunes deviennent rapidement convaincus que quelqu’un est là au bout du message. Le média favorise la discussion et les échanges parce que les personnes qui l’utilisent voient rapidement qu’un écho leur parvient. Un jeune qui a tendance à mal argumenter se fait souvent reprendre par les autres et souvent, est reconnu celui qui fait preuve d’ouverture. Alors qu’en groupe, un jeune peut rapidement se sentir isolé, sur le Web, il trouve la façon de s’affirmer et les stratégies pour se faire valoir deviennent assez souvent transférables.
  • En classe, on ne lève pas souvent la main pour poser une question… le fameux regard des autres ralentit les ardeurs. Sur le Web, ce regard existant moins, on s’aperçoit que les questions sont plus ouvertes. En ces temps de campagne électorale, on voit plusieurs exemples de jeunes qui s’intéressent à la politique parce que le Web leur permet de prendre une place. J’ai déjà parlé de «Pourquoi je vote» ou de «Opération 18-24», mais il y a de nombreux exemples de blogues ou de commentaires sur des espaces Web tenus par des jeunes qui favorisent la discussion et les échanges. On ne peut pas encore parler de prise de parole citoyenne massive de la tranche d’âge 12-24, mais assurément que les TIC vont changer la donne à ce niveau. L’initiative des «Jeunes électeurs» en est une à surveiller également.
  • Les enseignants ne composent pas tous facilement avec l’arrivée des TIC. Ce ne sont pas les progrès qui sautent au visage des profs, ce sont souvent les embêtements. Pour les parents et les profs, ces immigrants dans le monde des TIC, les enjeux deviennent parfois teintés de péril quand vient le temps d’encadrer les pratiques. Les jeunes natifs de l’Internet ont des comportements aventureux qu’il convient de surveiller et force est d’admettre que les prochains investissements en éducation devront être faits au niveau de l’accompagnement même si on ne peut fermer le robinet du côté des réseaux et des équipements.
  • L’apprentissage du dialogue et des échanges requiert du soin et de l’attention en face-à-face et sur le Net, il va sans dire. Encourageons tout de même ces nouveaux modes de communication qu’offrent les TIC parce qu’ils permettent un changement de culture dans nos rapports. Une culture qui à terme, pourrait permettre l’émergence de nouveaux liens entre les individus!
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3 Commentaires
  1. florence meichel 15 années Il y a

    Bonjour et merci pour ce billet plein d’expérience, de bon sens et de lucidité !
    Je retiens que les usages des TIC :
    – facilitent l’affirmation de soi, la mise en mots des émotions
    – laissent le temps de l’argumentation
    – favorisent l’émergence de systèmes de reconnaissance de pair à pair
    – développent des compétences d’échanges et de coopération transférables
    – constituent des espaces privilégiés d’engagement et de prise de parole
    – facilitent le développement d’une culture de réseau apprenant
    Je suis d’accord avec vous sur le nécessaire accompagnement de ces processus ! De ce point de vue, un long chemin reste à parcourir ! 🙂

  2. Michel D. 15 années Il y a

    Je retourne à la station aujourd’hui. J’ai bon espoir de mettre la main sur une autre source audio. Wish me luck. Et mes excuses encore Mario.

  3. Photo du profil de Davidof
    Davidof 15 années Il y a

    Un commentaire intéressant mais je me demande quels sont les réels impacts sur les aptitudes sociales d’un jeune. Votre description des apports au niveau de la communication est très convaincante, mais je trouve ou plutôt m’interroge à savoir si on vous ne décrivez pas simplement l’expérience de communiquer à l’aide des technologies informatiques, plutôt que d’illustrer les bénéfices.
    On dit souvent qu’il n’y a rien comme une bonne discussion face à face. Je me demande quels sortes de rapports doit-on prévilégier? Des rapports face à face, virtuels ou peu importe de quelle nature, ce qui compte c’est qu’il y ait un échange…
    Je comprend bien que chaque jeune vit sa propre réalité et ne possède que ses propres capacités, mais je me demande si l’usage encouragé de la communication virtuelle n’isole pas davantage certains individus.
    Bref, je pense qu’il serait intéressant d’avoir un aperçu des recherches ayant été conduite sur cette question.

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