Les garçons et l’école: entre l’amour et la haine

J’ai participé hier à une conférence téléphonique très particulière, en compagnie des participants à un panel que j’animerai jeudi matin prochain. Il s’agit du Colloque sur la réussite éducative organisé par le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ). On m’a demandé d’animer une discussion entre quatre intervenants de grande qualité sur un sujet qui me passionne, la «réussite différenciée chez les filles et les garçons. Les organisateurs de l’événement qui regroupaient déjà plus de six cents participants en date d’hier, nous ont raconté que près de cent quarante personnes avaient choisi notre atelier. Je présente ici chacun des membres du panel et les idées de base qu’ils défendront…
Isabelle Archambault, Ph.D.
Professeure adjointe École de Psychoéducation, Université de Montréal, Groupe de recherche sur les environnements scolaires (GRES). Après avoir entrepris un stage postdoctoral au Gender and Achievement Research Program à l’Université du Michigan, Isabelle Archambault a obtenu un poste de professeure adjointe à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. Ses intérêts de recherche portent essentiellement sur l’étude de l’adaptation et de l’inadaptation des jeunes en contexte scolaire. Elle s’intéresse plus précisément au développement de l’engagement et de la motivation des garçons et des filles, ainsi qu’à l’influence des enseignants, de l’environnement de la classe, de l’école et de la famille sur le décrochage scolaire.
Son propos: La recherche indique qu’une plus grande proportion de garçons que de filles accumule un lot d’échecs et de mécontentement au cours de leur expérience scolaire. Ils sont plus nombreux à présenter des retards à l’entrée au secondaire ainsi qu’à quitter l’école avant l’obtention d’un diplôme. Bien que ces écarts entre les garçons et les filles soient parfois faibles, ils sont bien réels et surtout en milieux défavorisés. Les mécanismes permettant d’expliquer l’écart garçons-filles au cours de l’expérience scolaire demeurent peu connus. De plus, à l’heure actuelle, plusieurs mesures mises en place dans les milieux pour favoriser la réussite et la persévérance scolaire des garçons (par exemple, la non-mixité dans les classes) s’avèrent inefficaces ou n’ont fait l’objet d’aucune évaluation systématique. Une meilleure compréhension des mécanismes contribuant au désengagement scolaire des garçons devient donc nécessaire pour le développement et l’évaluation d’interventions adaptées à leurs besoins.
Steve Audet
Travailleur social, pratique autonome. Détenteur d’un baccalauréat en psychologie et d’une maîtrise en travail social, M. Steve Audet est travailleur social, psychothérapeute, formateur et auteur. Il est consultant associé au Centre de Consultation Conjugale et Familiale de Québec et intervient à AutonHommie, un centre de ressources pour hommes de la région de Québec. Il développe son expertise dans l’intervention auprès des hommes et des couples. Il a publié un essai portant sur la prévention du décrochage scolaire chez les garçons au cégep ainsi qu’un article au sujet de l’intervention auprès des hommes. Il a participé à un important projet de recherche-action au Cégep Limoilou sur l’intégration et la persévérance scolaire des garçons (2001-2005).
Son propos: Les recherches démontrent que, de manière générale, les garçons aiment moins l’école que les filles. Ils préfèrent les sports et les activités ludiques aux cours magistraux. Conséquences : ils sont moins motivés à apprendre, font moins d’efforts, réussissent moins bien et décrochent en plus grand nombre que les filles. Qu’est-ce qui pourrait donner aux garçons le goût d’apprendre à l’école? La réponse n’est pas simple, car plusieurs facteurs sont en causes : la santé, le développement, la socialisation, l’influence des adultes, l’influence des pairs, la communauté d’appartenance, les premiers échecs ou les premiers succès, etc. Au-delà de tous ces facteurs, il est impératif de changer l’impression de plus en plus répandue que l’école est pour les filles. Tous les acteurs sont appelés à se mobiliser pour envoyer un seul et même message aux garçons : on vous aime, on veut vous voir réussir votre vie et on veut que vous soyez heureux à l’école.
Raynald Goudreau
Directeur de la polyvalente Saint-François de Beauceville, Commission scolaire de la Beauce-Etchemin. Depuis deux ans, il est directeur d’une école secondaire de 650 élèves dont la moitié sont inscrits dans un Programme d’Éducation Internationale. Avant cela, pendant deux ans et demi, il était directeur de trois petites écoles de la Haute-Beauce en milieu très défavorisé, écoles associées à la Stratégie d’Intervention Agir Autrement. Il a travaillé dans le passé comme psychologue aux services complémentaires de sa commission scolaire, en soutien aux écoles qui ont atteint leur limite face aux élèves en trouble de comportement ou en trouble grave de comportement. Il a travaillé avant cela, pendant 12 ans comme psychologue, dans des écoles secondaires et primaires de son milieu. Dans le cadre du projet Entre-hommes, où des adolescents étaient invités à vivre une expérience de plein-air avec leur père, il s’est intéressé au rôle du père face au suivi scolaire de leur fils. Les problématiques de l’hyperactivité, de la violence et des troubles d’apprentissage furent d’autres occasions pour lui de saisir certaines différences entre les garçons et les filles.
Son propos: Il faut dans un premier temps se dire que tous les garçons ne sont pas pareils, ce qui est également vrai pour les filles. Plusieurs garçons réussissent très bien à l’école, mais un certain nombre éprouve également des difficultés d’apprentissage, motivationnelles ou de comportement. Nous retrouvons effectivement plus de garçons que de filles en difficulté, mais le nombre de celles-ci est suffisamment important pour nous amener à les considérer tous comme des élèves à risque, peu importe leur sexe. Oui, les garçons ont leur place à l’école! Nous avons besoin d’eux dans cette société et l’école, tout en plaçant en priorité certains savoirs ou certaines compétences dans son curriculum, doit tenir compte des caractéristiques de ces élèves à risque. Au plan cognitif, ces jeunes ont besoin d’une pédagogie particulière et d’enseignants capables d’être en relation avec eux. Ils ont effectivement plus de difficulté dans certains types d’apprentissage, l’écriture, la lecture, les langues, etc. et l’école doit apprendre à saisir leur style d’apprentissage pour s’y adapter. Ces efforts à fournir mettent en évidence les limites de ceux-ci dans leur maturité socio-affective et leurs processus motivationnels. Ces jeunes ont besoin d’être accompagnés à l’école d’une façon bien particulière. À l’extérieur de celle-ci, ils ont besoin d’être aussi accompagnés par une figure masculine significative qui les aide à croire en eux et qui puisse faire contre poids à l’influence parfois négative du groupe d’amis.
Jean-Claude St-Amant
Professionnel de recherche, Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES), Université Laval. Jean-Claude St-Amant est professionnel de recherche à la Faculté des Sciences de l’Éducation de l’Université Laval. Intéressé par diverses formes d’inégalités sociales, ses travaux de recherche ont porté principalement sur les écarts de réussite scolaire selon le sexe et les milieux sociaux, sur les contributions des pères et des mères ou celles du personnel scolaire à la réussite des jeunes, sur les dynamiques scolaires dans les familles de milieu populaire, sur la mixité à l’école, enfin sur les conditions de retour aux études en milieu autochtone. Son plus récent volume s’intitule «Les garçons et l’école».
Son propos: Les garçons québécois vont bien à l’école, mieux en moyenne que ceux du reste du Canada, mieux en moyenne que ceux des pays industrialisés. En outre, ils font aussi bien que les filles dans toutes les matières scolaires, sauf en langue d’enseignement. Si ces deux affirmations surprennent, elles n’en sont pas moins exactes. Par ailleurs, le fait que les filles québécoises soient particulièrement fortes explique les écarts entre les sexes. Une fois départagées les théories de sens commun et les connaissances scientifiques maintenant bien établies, trois pistes de solution s’avèrent prometteuses en ce qui a trait à la réussite à l’école. Toutes trois ont montré leur efficacité autant pour le tiers des garçons que pour le quart des filles québécoises qui ont besoin d’un soutien particulier : développer les pratiques de lecture, contrer les stéréotypes sexuels et éduquer à l’autonomie. Le panel sera l’occasion d’approfondir chacune de ces pistes d’intervention.
Voici quelques questions qui seront abordées:

  • Est-ce que les garçons ont les mêmes chances que les filles pour réussir?
  • Y a-t-il vraiment une différence au point de vue réussite scolaire entre les filles et les garçons?
  • La réussite scolaire se limite-t-elle à une question de genre?

Je suis emballé par l’approche du colloque. Je sais qu’une quinzaine de jeunes du secondaire vont couvrir l’événement en tant que blogueurs. Lundi, je devrais être en mesure de fournir l’adresse du blogue qui sera a été mis en ligne et qui devrait contenir des billets de présentation de chaque jeune. François Guité a publié un billet en début de semaine dans lequel il fait appel à la communauté pour recueillir des points de vue sur les programmes à vocation spécifique, sujet du panel dans lequel il intervient. Les organisateurs du colloque ont fait le pari de l’ouverture… Ils méritent toutes nos félicitations!

D’ici à jeudi, je serai attentif à toutes les suggestions de questions qui pourraient alimenter le débat entre les participants. Le sujet de la réussite des garçons (et des filles) est complexe et les théories sont nombreuses. Au-delà de toutes les théories, il faut changer les perceptions et se mobiliser pour envoyer un message d’ouverture à tous les jeunes du Québec, dans le respect de leurs différences. Merci d’utiliser les commentaires pour nous aider à mieux débattre…

Mise à jour du 15 avril: Complément d’information sur les «journalistes en herbe», chez François et article complémentaire sur le sujet de «l’échec des garçons à l’école» chez Plotin

Mise à jour du 18 avril: Le panel a eu lieu… Plus de détail dans ce billet!

Tags:
6 Commentaires
  1. Photo du profil de Plotin
    Plotin 14 années Il y a

    Bonjour,
    Vous pouvez toujours visiter mon site internet à l’adresse suivante pour alimenter vos propos. http://aladin.clg.qc.ca/~ferlandg/meqdonald.htm
    Si vous cliquez dans la colonne de gauche sur les sujets de chroniques, vous verrez que j’ai écrit de nombreux articles sur le sujet. J’ai même participé à l’émission de Michel Lacombe consacrée à ce thème, il y a plusieurs années. Vous pouvez commencer la lecture par l’article intitulé «Pôvres gars». Les autres chroniques, «Histoire de filles», «Réussir gars», «Les mâles», etc. traitent toutes de ce problème plus important qu’on le croit.
    J’espère que ces articles seront utiles pour votre panel.
    Bonne fin de semaine.

  2. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 14 années Il y a

    Exactement le genre de «stimulation» que je cherche Guy… Trouvé dans «Pôvres gars»:
    «Au delà des statistiques alarmantes sur les difficultés scolaires des garçons, au delà aussi de la stérile et puérile opposition entre les gars et les filles, il y a la réalité des enseignants aux prises avec des classes mixtes. Que faire concrètement devant une trentaine de personnes qui n’ont ni les mêmes goûts ni la même disposition d’esprit lorsqu’on veut faire réussir le plus d’élèves possible tout en tenant compte des différentes manières d’apprendre de chacun?»
    Je continue ma lecture… Merci!

  3. Photo du profil de LucPapineau
    LucPapineau 14 années Il y a

    Attention à la généralisation dans ce débat. Réduire les élèves à deux sexes est bien loin de la réalité de nos classes.
    J’ai des gars qui veulent réussir, qui lisent, qui écrivent très bien. Ils sont écoeurés de se faire rappeler qu’ils sont bons pour des gars…

  4. Photo du profil de FrancoisGuite
    FrancoisGuite 14 années Il y a

    Une étude récente sur ce sujet conclut que la mixité est favorable tant pour les garçons que les filles :
    http://www.aftau.org/site/News2?page=NewsArticle&id=6859

  5. Guy Vézina 14 années Il y a

    Beau débat en perspective et fort pertinent! Je me souviens d’avoir écouté l’émission de Michel Coulombe à cet effet. Je demeure convaincu qu’il n’y a pas de solution miracle mais une nécessaire prise de conscience que chaque individu est différent et qu’il a une façon différente d’apprendre; il y a tellement d’éléments qui entrent en ligne de compte en rapport avec l’environnement de l’apprenant…
    Bonne animation Mario.

  6. Photo du profil de SarahPavy
    SarahPavy 14 années Il y a

    J’ai ete professeur de francais dans une ecole de garcons (Melbourne, Australie) pendant 8 ans, et ai fait une these en 2006 sur ce sujet. Mes etudes se concentraient sur l’importance du role du prof dans la motivation des garcons qui apprennent les langues etrangeres (nous voyons un ecart enorme dans la participation, la motivation et les resultats des garcons par rapport aux filles dans ce pays). Ce theme me passionne – boys education est un domaine educatif qui explose en Australie en ce moment – et cela m’interesse de voir les memes discussions chez vous. Y a-t-il des livres/etudes/articles qu’on pourrait me recommander qui etudie en particulier l’apprentissage des languages etrangeres parmi les garcons dans vos lycees?

Laisser une réponse

Contactez-moi

Je tenterai de vous répondre le plus rapidement possible...

En cours d’envoi

Si les propos, opinions et prises de position de ce site peuvent coïncider avec ce que privilégie le parti pour lequel je milite, je certifie en être le seul éditeur. - ©2022 Thème KLEO

Vous connecter avec vos identifiants

ou    

Vous avez oublié vos informations ?

Create Account

Aller à la barre d’outils