Appétit d’apprenant et appétit pour la formation

Les régimes pédagogiques du Québec ne tiennent pas compte des différents appétits des jeunes en matière d’apprentissage. L’État prescrit ce qu’il faut «ingérer» et personne ne discute vraiment le fait qu’il y ait un minimum substantiel devant faire partie de ce que les jeunes doivent apprendre aux différents paliers d’études. Dans la vraie vie, ça ne se passe pas tout à fait comme ça…
Je veux traiter ici, de façon spécifique, de notre parcours de formation «tout au long de la vie».
Je réfléchis beaucoup à cette notion «d’appétit» d’apprenant parce que la question du décrochage scolaire me préoccupe, bien entendu, mais aussi, parce que concrètement, je participe très bientôt à l’événement FormaCamp, en France et j’ai utilisé cette expression dans le texte d’amorce qu’on m’a demandé d’écrire histoire d’ouvrir la conversation sur l’ensemble des axes (ExplorCamp et fils rouges). De fait, il y aura quatre fils rouges déclinés chacun en trois ateliers:

Au hasard de ma promenade journalière dans le wiki où on co-construit la section «barcamp» de la journée, je suis tombé sur un schéma qui présente différentes formes d’apprentissage informel basé sur les travaux de Jay Cross, l’auteur d’un des premiers textes qui m’a inspiré dans mon propre parcours de blogueur.

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Cette notion «d’apprentissage informel» me paraît être intimement liée au concept «d’appétit»; je fais l’hypothèse qu’il y a davantage de potentiel dans les occasions saisies pour apprendre aux moments «non-officiels, non-programmés, et spontanés où les gens se forment» que ce soit au travail, à l’intérieur ou à l’extérieur des établissements d’enseignement. Cross, l’auteur des «Seven Principles of Learning» a abondamment développé la notion de «Informal Learning» et on peut l’écouter dans cette vidéo datant de janvier 2007:

On peut trouver d’autres documents intéressants sur cette notion dans cet article de Marcia Conner qui est très complet. Un autre schéma déposé par Jay en mars 2007 illustre bien les liens entre les différents types d’apprentissages, formels et informels. Le modèle est l’oeuvre de Teemu Arina, un auteur Finlandais dont François Guité a déjà parlé et qui s’intéresse, entre autres, au rapport entre l’apprentissage et les nouvelles technologies.

J’aime bien ce qu’écrit Laure Endrizzi dans (membre de la veille scientifique et technologique de l’INRP) la discussion en amont du parcours «Parcours individuels et construction collective» au sujet des appétits d’apprenants:

«Avant l’insertion, il y a le parcours d’études ou de formation, et donc les premières tensions entre les logiques de gestion des flux de l’administration scolaire et les aspirations ou ambitions des jeunes: ces « appétits » évoqués par Mario Asselin dans son amorce, qui ne doivent pas nous faire oublier en miroir ces manques d’appétits qui sont souvent à l’oeuvre au moment clé du premier palier d’orientation: la sortie de l’enseignement obligatoire.»

«Ces tensions» décrites par Mme Endrizzi sont à la base de plusieurs incompréhensions entre jeunes et adultes, entre formateurs et apprenants, dans le cadre formel, mais me semblent bien moins présentes dans la cadre informel ce qui pourrait nous aider à comprendre, peut-être, pourquoi est-ce si difficile de se placer sur la même longueur d’onde sur la nécessité de la fameuse différenciation pédagogique. François Duport (un des organisateurs du FormaCamp) situe la place de certains outils TIC utilisés formellement ou non au centre des stratégies de personnalisation dans la même discussion invoquée ci-haut:

«Est ce que ces outils [blogues et wikis] favorisent l’individualisation des parcours? Comment les professionnels peuvent intégrer ces usages? J’ai essayé de tenir un blog. Cela n’est pas simple. Cela demande de la rigueur. Je n’ai pas tenu la route comme on dit. Pourtant, je reste persuadé du bénéfice de l’exercice de l’écriture et des liens que l’on peut faire avec d’autres réflexions. L’intérêt du numérique est pour moi très personnel, singulier. Cela rejoint l’individualisation, de la prise en compte de cet aspect singulier de chaque parcours. Mais la technologie ne fera pas l’orientation. L’interface humaine reste et restera toujours nécessaire. Mais pour quels services? De même pour la formation? Qu’attend le « client » apprenant? Que doit fournir un service public de formation? Quelle offre de services (ou un soutien à une offre de services) qui accompagne ces parcours à l’échelle du territoire? Quelle place de l’humain, des réseaux sociaux territoriaux? J’ai plus de questions que de réponses. Comment gérer ce parcours qui ne s’arrête pas au seuil de l’école ou au seuil de la vie active? Comment prendre en compte mes apprentissages non formels et informels? Comment puis je changer de métier en cours de carrière?»

J’en arrive à ce qui me préoccupe vraiment. Comment résoudre le dilemme posé dans le schéma de Jay Cross traduit en français (section «apprentissage descendant/ascendant», au bas du schéma): «… j’aime apprendre, mais je déteste qu’on me forme»? J’en suis rendu à me demander ce soir si je ne devrais pas faire la différence entre les appétits pour la formation et ceux pour apprendre, car, manifestement, on ne parle pas de la même chose. Aurions-nous compliqué à ce point l’acte de former/enseigner qu’une telle distance entre la formation/l’enseignement et l’apprentissage existe maintenant dans le cadre formel où s’exerce la presque totalité de la formation créditée? Aurions-nous besoin d’un recours systématique au cadre de l’informel pour rétablir les rapprochements, à supposer qu’il existe dans ce cadre les leçons qu’il nous faudrait tirer?

Après ma discussion de vendredi dernier sur Skype en compagnie de Jacques-François Marchandise de la FING et de François Duport, j’avais le sentiment que la semaine allait être un peu longue tellement j’ai hâte de me trouver en France. J’anticipe beaucoup sur la qualité de nos discussions, à partir des préparatifs sur le wiki autant que dans nos échanges courriel et sur Skype. Une chose est certaine, nos appétits, à nous, nécessitent un régime fort en culture de réseau et en collaboration!

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3 Commentaires
  1. Photo du profil de MichelMonette
    MichelMonette 13 années Il y a

    Une question me turlupine depuis un certain temps : le modèle scolaire divisant les élèves en classes tient-il toujours la route? Ça pourrait paraître une hérésie, mais imaginons un instant une école sans classes. Comment y enseignerait-on?
    Un autre problème est celui de la signification de la «réussite scolaire». Je suis le père d’une fille qui a «réussi» de peine et de misère à terminer son secondaire, qui a par la suite vécue des épisodes de travail puis de retour aux études et qui n’en vient pas moins de s’inscrire à un programme universitaire. Je suis convaincu que plusieurs jeunes échouent parce que nous voulons à tout prix qu’ils réussissent. Beau paradoxe.

  2. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 13 années Il y a

    Ça prendra toujours des regroupements Michel. Est-ce qu’ils devront toujours prendre la forme qu’ils ont actuellement? Non. L’organisation par cycle dans le renouveau était une de ces tentatives pour «rebrasser les cartes» sur ce sujet et l’expérience a montré que le réorganisation des façons de travailler n’était pas notre force dans les écoles du Québec.
    Paradoxalement, une des réussites du programme particulier que j’avais initié à St-Joseph était basé sur une organisation de classe originale: 55 élèves avec l’équivalent de 2,7 profs (toujours au moins deux profs avec les jeunes) et des jeunes des deux dernières années du troisième cycle ensemble. Tu imagines… Une école privée avec un groupe multi-niveaux?!? Ça marche toujours aussi bien… 😉
    Il faut être plus original et penser en dehors de la boîte effectivement Michel, mais marcher en dehors des senties battus en éducation n’est pas chose facile…
    En passant, j’aime bien le paradoxe que tu illustres. André Chartrand dirait que tout dépend de ce qu’on met en arrière du mot «réussite»!

  3. Photo du profil de BatierChristophe
    BatierChristophe 13 années Il y a

    Alors puisque qu’on parle d’appétit, moi je vais parler de cuisine techno-pédagogique avec ces deux podcasts que j’ai fait dans ma cuisine à Lyon:
    1-Quels sont les ingrédients pour faire une bonne mayonnaise pédagogique ?
    http://spiral.univ-lyon1.fr/entree.asp?id=170&id2=80&id3=2072&objet=article
    2-Analyse du dispositif Résatice: http://spiral.univ-lyon1.fr/entree.asp?id=170&id2=80&id3=2025&objet=article
    On en reparlera à la Brasserie Georges 🙂 !

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