Rencontre avec Laurence Juin

Certains diront que parmi les hauts faits de l’année scolaire numérique 2009-2010, il y a l’arrivée de @frompennylane sur La Toile. Je suis de ceux qui ont suivi les aventures de sa classe au Lycée professionnel Pierre Doriole de La Rochelle. Derrière ce pseudo, il y a Laurence Juin, une enseignante qui n’a pas froid aux yeux, une mère de quatre enfants et surtout, une internaute maintenant reconnue qui a joint les réseaux avec grand art, mais que tout récemment. On comprendra facilement qu’à l’occasion de Ludovia 2010, je veuille connaître certains dessous de son parcours professionnel puisque les feux de la rampe ont montré une enseignante ayant très peu fait l’expérience du numérique avant cette année scolaire. Je voulais aussi vérifier certaines hypothèses pouvant expliquer qu’elle ait connu autant de succès dans la mise en réseau de ses étudiants cette année.
En gros, Laurence JUIN enseigne le français et l’histoire/géographie et il y a parmi ses classes, un groupe de vingt-huit élèves dont elle était convaincue qu’ils pourraient en faire davantage que ce qu’elle avait vu l’année d’avant. Elle savait qu’elle avait entre les mains une classe particulière avec lequel il lui faudrait pousser un peu la machine… Elle a entrepris d’utiliser Twitter avec ces jeunes qui ne savaient pas beaucoup plus qu’elle comment fonctionnait l’écosystème, mais elle était guidée par le désir de faire apprendre davantage. «J’avais une petite – mais précieuse – longueur d’avance sur eux», me disait-elle. Disons tout de suite que tous les élèves de cette classe de Laurence Juin ont été reçu bacheliers (18 ont reçu une «mention»)!
Personnellement, ce ne sont pas les résultats académiques de ses élèves qui m’ont impressionné dans la démarche de Laurence, mais la façon dont elle a conduit son projet. Je viens en France régulièrement et il est assez rare de repérer des gens aussi «tolérant au work in progress». Elle a bien ri quand je lui ai fait part de cette observation, à l’occasion d’une de nos quelques discussions tout au long de l’université d’été qu’est Ludovia. Semble-t-il que c’est un de ses traits de caractère que de pouvoir attendre d’arriver à la rivière avant de trouver la façon la plus appropriée de traverser le pont. Elle n’a pas peur des risques et c’est une chose que ses élèves ont appréciée. D’ailleurs, on lui en a fait le reproche sur La Toile (j’en ai été témoin plus d’une fois). Je me demandais comment elle avait trouvé l’expérience de devoir se justifier? Quelle compétence d’enseignante a-t-elle mise de l’avant pour ne pas «crouler» devant la charge parfois forte (on a menacé de la dénoncer en haut lieu) exercée sur elle? Deux choses importantes, si j’ai bien compris. Elle a rapidement compris qu’elle pouvait «avancer» avec ses détracteurs, à condition de pouvoir exercer un dialogue ouvert et en public avec eux.

«Rien à faire avec ceux qui ne veulent pas discuter et dont l’opinion est arrêtée, mais chacune des fois où j’ai cru que la personne pouvait m’apprendre quelque chose par son opposition, j’ai admis que je prêtais flanc à la critique et j’ai accepté de m’ajuster. Aujourd’hui, bien peu de gens maintiennent que mon expérience n’est pas valable, au contraire».

Le fait de tenir ces discussions en public (sur Twitter ou sur son blogue) lui a également permis d’obtenir du soutien de son réseau. Nous avons d’ailleurs été plusieurs à intervenir pour baliser le chemin. Maintenant, plusieurs de ses outils font références comme cette charte d’utilisation de Twitter en classe hébergé également sur un site du ministère de l’Éducation nationale en France qui a parlé d’elle bien avant les médias d’ailleurs… Il faut dire que dès l’automne, sa classe a été l’objet de beaucoup d’attention. Entrevues médias, demande d’informations, parents d’élèves intrigués et sûrement, quelques sueurs froides parmi les gens de la hiérarchie scolaire dont elle avait sollicité (et obtenue) l’appui au départ.

J’ai d’ailleurs été frappé par quelques phrases lâchées au hasard d’une conversation informelle à propos de la présence des médias dans sa classe: «Mes élèves ont beaucoup appris sur le fonctionnement des médias cette année. En ayant vu comment les journalistes «construisaient» l’information et en comparant avec ce qui était diffusé par ceux décident, ils pouvaient mieux s’éduquer aux médias en général. Plusieurs sont devenus plus critiques!» Rien de meilleur que l’expérience pour comprendre un des lieux de «pouvoirs» de notre société…

Les propos les plus fermes (et sans équivoque) sont venus au moment où je lui demandais si elle pourrait revenir en arrière; «enseigner sans la mise en réseau et sans les outils numériques de production de contenu… jamais plus». Ce sont d’abord des raisons professionnelles, je crois, qui lui ont dicté cette réplique. Le partage et l’impression d’être soutenue par une communauté, ça n’a pas de prix. Ensuite, j’ai compris que Laurence avait observé une motivation au travail différente chez ses élèves. L’effort de rester en contact pendant la période des stages en particulier semble beaucoup l’avoir impressionné. «Les collègues n’avaient pas « cette chance » et j’ai pu aller beaucoup plus loin à leur retour de stage parce que nous n’avions pas à nous réapprivoiser!»

Laurence est généreuse et les gens sont généreux avec Laurence. Elle comprend que ça peut s’avérer difficile pour un enseignant de s’exposer ainsi envers ses collègues. Le regard de certains qui laissent entendre qu’elle en fait trop ou le sourire en coin de d’autres qui la jugent parce que sa pratique sur Internet l’expose à la critique, elle a appris à composer avec. Elle se concentre plutôt sur les nouvelles rencontres que le numérique lui a permis de faire. Enthousiaste pour la suite des choses elle me disait «Le numérique rapproche vraiment les gens, ce n’est pas une blague; en plus, se rencontrer puis mettre un visage sur le nom d’une connaissance numérique est un plaisir innommable.» Laurence n’est pas au bout de ses découvertes puisqu’elle part bientôt pour l’Afrique du Sud en compagnie d’un collègue universitaire.

De mon côté, si je savais sans l’avoir vu – de mes yeux, vu – que Laurence était une personne de grande qualité, la rencontre à Ax-Les-Thermes m’a révélé la grande pédagogue qu’est Mme Juin. Il y a bien peu d’improvisation dans sa démarche de bien servir les apprentissages. Les intentions pédagogiques sont claires et si l’itinéraire s’ajuste parfois, c’est pour être certain que chacun sera non seulement du voyage, mais arrivera à destination avec fierté et honneur.

Je vous souhaite de rencontrer Laurence «In Real Life», comme ils disent…

Informations complémentaires: Voici quelques liens pour mettre en contexte l’expérience fantastique vécue en 2009-2010 par @frompennylane et ses élèves:

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