Une meilleure gestion du droit d’exercer… ou non!

N.B. Ce billet est issu d’une série de seize qui identifient des raisons de se doter d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec. L’auteur est René Larouche, professeur retraité de l’Université Laval ayant comme principal champ d’intérêt la sociologie des professions. Je lui offre cet espace de mon blogue parce que j’endosse son travail.
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« Dans les faits, les cas de « dispense » et les cas « d’exception » de personne n’ayant pas le droit d’exercer sont nombreux et, dans certains secteurs, ces cas représentent une grande proportion des enseignants. En effet, en formation professionnelle et en éducation des adultes, un grand nombre d’enseignants ne détiennent pas d’autorisation d’enseigner. C’est le cas aussi de certains dans le réseau des écoles privées, notamment les écoles sans syndicat d’enseignants, et c’est aussi le cas des suppléants réguliers dans des secteurs où il y a pénurie d’enseignants qualifiés et certifiés. De plus, nous avons déjà indiqué que le système actuel permet à un grand nombre d’enseignants, qualifiés et autorisés à enseigner, d’exercer et de donner des cours dans des domaines ou des matières où ils n’ont pas la formation, ni la compétence professionnelle pour le faire.
L’Ordre professionnel à titre réservé serait à cet égard un acquis considérable pour la qualité de l’enseignement qui serait offert aux élèves. Cependant, il ne pourrait empêcher des personnes non-membres de l’Ordre d’exercer des fonctions d’enseignement dans le réseau des établissements scolaires publics et privés, à moins que l’agrément de ces établissements par le ministère de l’Éducation comprenne l’obligation d’engager des enseignants membres de l’Ordre. Il est par ailleurs possible d’envisager de réserver l’exclusivité d’exercice aux enseignants agréés, membres de l’Ordre, en ce qui concerne certains aspects de l’enseignement. Pensons en particulier à leur diagnostic sur les besoins pédagogiques de leurs élèves, à l’élaboration des plans d’intervention pédagogique individuels et collectifs ainsi qu’à l’évaluation individuelle et collective de leurs élèves. La qualité et l’importance de ces responsabilités professionnelles devraient effectivement requérir une compétence professionnelle reconnue et exclusive qui ne pourrait être assurée que par les membres agréés d’un Ordre professionnel. De plus, le personnel enseignant, non qualifié adéquatement ou non autorisé légalement à enseigner, devrait être encadré et soutenu par des programmes d’appui et de formation continue pour les fonctions d’enseignement. Ces programmes d’appui, mis sur pied par l’Ordre professionnel, devraient être offerts localement dans tout le réseau des établissements scolaires. »
(Source : Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 2, mai 2002, p. 9-10)
Un Ordre professionnel aura le pouvoir et la capacité de contrôler l’admission à la profession enseignante :

« Pour cette période du début de la carrière en enseignement, aucun système ni mécanisme d’insertion professionnelle n’existe de façon systématique, malgré des initiatives dans certains milieux scolaires. Le nouvel enseignant diplômé risque seulement, surtout durant ses deux premières années d’enseignement, de se voir attribuer des tâches d’enseignement dans diverses matières qui ne tiennent pas forcément compte de ses compétences acquises en formation initiale, en plus d’être à la merci de l’évaluation, sans appel, de son travail par un membre de la direction d’école. Un ordre professionnel fixerait les balises objectives d’une période de probation véritable pour entrer dans la profession et instaurerait un système généralisé de soutien et d’accompagnement à l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants durant cette période.
Par ailleurs, l’enseignement souffre, dans plusieurs secteurs, d’un déficit de spécialisation en formation initiale. Cette réalité semble résulter non pas de la priorité accordée aux besoins de formation des élèves, ni des qualifications requises par l’acte d’enseigner, mais plutôt de la volonté de faciliter la gestion du personnel scolaire avec une marge de manœuvre maximale pour attribuer les tâches aux enseignants « polyvalents » et de procurer aux syndicats une mobilité d’emplois maximale pour leurs membres. Un Ordre professionnel mettrait fin aussi à cette facilité actuelle de changer de champ et de spécialité d’enseignement, à moins d’acquérir les nouvelles compétences professionnelles qu’exigent de nouvelles tâches dans d’autres domaines d’enseignement.
De plus, on peut constater que les multiples raisons et motifs, qui peuvent justifier les dispenses et les exemptions de longues durées pour enseigner en l’absence d’autorisation d’enseigner, ne permettent pas, dans de nombreux cas, de garantir aux élèves et à leurs parents un enseignement de qualité, donné par des enseignants qualifiés et certifiés, partout et en tout temps. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 2, mai 2002, p.4)

« La fonction de l’admission à la pratique prend en considération toutes les activités de l’Ordre qui lui permettent de contribuer à la détermination des conditions et modalités d’accès aux permis de l’ordre et de veiller à leur application. Le comité de l’admission à la pratique de l’Ordre des enseignantes et des enseignants du Québec gère donc l’examen des candidatures au stage de deux ans après l’obtention d’un diplôme reconnu ainsi que l’examen des demandes d’équivalence de diplômes ou de formation, y compris les demandes des candidates et des candidats formés hors-Québec. »
(Source : Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 2, mai 2002, p.4)

De plus, un Ordre professionnel aura le pouvoir et la capacité que chaque enseignante et enseignant possède les connaissances générales et spécifiques requises pour enseigner :

« Le fait que certains enseignants enseignent sans formation adéquate ou sans autorisation d’enseigner n’est pas « une exception » mais plutôt un phénomène répandu dans divers secteurs et certaines catégories d’enseignants où parfois ces « exceptions » constituent même la majorité des cas. Dans de nombreux cas, ces enseignants en exercice, mais sans autorisation d’enseigner, ne sont pas tenus de se qualifier et n’ont d’ailleurs aucun incitatif significatif pour le faire. Pourtant, en aucun cas les règles de compétence ne devraient être mises de côté ou contournées sur une base continue ou régulière. Les seules exceptions admissibles ne devraient être que des suppléances de courte durée ou l’exécution de tâches d’enseignement particulières, de façon exceptionnelle et ponctuelle. Hors ces cas exceptionnels, le personnel sollicité devrait pouvoir acquérir rapidement une bonne maîtrise du programme ou de la matière à enseigner. La formation continue est indispensable à cet égard. Divers constats peuvent révéler une mauvaise tenue à jour des compétences professionnelles en enseignement, notamment :

  • une méconnaissance ou une mauvaise maîtrise des approches pédagogiques et de la didactique préconisées suite aux changements apportés au curriculum, au régime pédagogique, aux programmes d’études ou à l’évaluation des élèves;
  • une répétition des plans et des contenus de cours, année après année, et l’utilisation de stratégies d’apprentissage et de pratiques pédagogiques dépassées.

N.B. À noter que cette réalité constatée varie beaucoup selon les milieux et selon les spécialités enseignées. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 2, mai 2002, p.3-4)

Enfin, un Ordre professionnel aura le pouvoir et la capacité de contrôler l’exercice illégal et l’usurpation de titre :

« La fonction du contrôle de l’exercice illégal et de l’usurpation de titre comprend les activités de l’Ordre visant à faire respecter l’obligation de détenir un permis pour exercer une activité professionnelle ou pour utiliser le titre réservé aux membres. Elle recouvre essentiellement les enquêtes réalisées par l’Ordre concernant la pratique illégale ou l’usurpation du titre. Il est possible que la problématique de l’exercice illégal ou de l’usurpation du titre d’enseignant ne se pose pas avec la même acuité que dans d’autres professions. Cependant même si le nombre d’enseignants pouvant être impliqués peut paraître négligeable en pourcentage, il est fort probable qu’un certain nombre de cas existent du fait que, pour de multiples raisons propres aux milieux scolaires, et notamment dans certaines écoles n’ayant pas de syndicat, l’autorisation d’enseigner n’est pas requise en tout temps et dans tout établissement, comme on l’a déjà indiqué. Un Ordre professionnel fixerait des balises aux conditions de dispense et d’exemption qui devraient être limitées à des cas exceptionnels et de courte durée, fixant aussi la formation continue requise pour continuer à enseigner dans ces conditions dans le réseau des écoles publiques et privées, avec ou sans syndicat. Les secteurs les plus touchés semblent être les secteurs de la formation professionnelle et de l’éducation des adultes, notamment en raison de la proportion importante d’enseignants sans statut permanent, ainsi que celui de la formation générale, notamment dans les établissements privés ou dans le secteur public parmi les enseignants suppléants du secteur général et dans certaines disciplines où le recrutement fait défaut. Ajoutons que l’Ordre professionnel pourrait aussi développer, en lien avec les universités, des politiques actives de promotion et de recrutement de nouveaux étudiants dans des secteurs en pénurie chronique ou en pénurie prévisible pour corriger la situation actuelle. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 2, mai 2002, p.4-5)

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