Quand la réussite des cours compte de moins en moins et baisse en bas d’un seuil critique

Plutôt que d’écrire une longue mise à jour au billet « Qu’est-ce que la commission scolaire des Affluents attend pour réagir ? », je préfère me lancer dans un nouveau texte puisqu’il y a eu beaucoup d’éléments nouveaux sur le sujet depuis quelques jours.

Il me faut d’abord remercier la commission scolaire des Affluents (CSA) d’avoir publié un communiqué et l’information concernant les règles de passage d’un cycle à l’autre, pour ses élèves. Après discussions, recherches et réflexions, je peux dire que cette question des règles que se donnent les commissions scolaires pour encadrer le passage des élèves d’un cycle à un autre souffre d’un grand manque de transparence dans plusieurs commissions scolaires. Comment se fait-il que ces règles soient si difficile à trouver chez certaines, voire impossible chez d’autres, au point où on se demande si elles existent ? On peut critiquer le choix de la CSA, mais au moins, elle a enfin rendu publiques ces informations !

Récemment donc, un article d’Hebdo Rive Nord explique que « de nouvelles règles de passage ne font pas l’unanimité » et la Fédération des syndicats des enseignants (FSE) est sortie sur la place publique pour affirmer « qu’il y a une limite à abaisser les exigences et à tout faire pour réduire le nombre d’élèves qui redoubleront » (source). Voici pour ce qui est apparent. Plusieurs échanges par courriels, en personne ou via téléphone avec des enseignants ou d’autres observateurs intéressés m’indiquent que les impacts de la décision de la CSA de revoir à la baisse ses règles de passage du premier au deuxième cycle du secondaire inquiètent. Dans les écoles secondaires de cette CS, les événements des dernières semaines semblent avoir créé plus de tensions qu’autre chose.

Que les règles de passage ne soient pas nécessairement les mêmes d’une commission scolaire à l’autre ne me dérange pas du tout, au contraire. Je reconnais aux milieux locaux la possibilité de se montrer plus ou moins sévère sur ce sujet, tant qu’ils ne « descendent » pas en bas d’un certain seuil. À ce moment, des explications s’imposent, des études motivants cette décision devraient être requises. Permettre que les écarts d’apprentissage entre les élèves d’une même classe soient démesurément grandissants exige des enseignants qu’ils soient très agiles dans leurs approches pédagogiques et qu’ils maîtrisent parfaitement les stratégies basées sur la différenciation pédagogique. Certains groupes d’enseignants, dans certaines classes ont beau être des experts en ce sens, et pouvoir compter sur du soutien professionnel, j’ai beaucoup de difficultés à croire que c’est le cas à la CSA. Selon ce que je déduis de mes recherches, des élèves pourraient ne pas avoir atteint la note de passage en français et pourront continuer leur parcours en 3e secondaire. Les problèmes trop importants en lecture/écriture hypothèque grandement la poursuite des études au second cycle du secondaire et, pour les enseignants, ça doit représenter beaucoup de pression, autant dans la gestion de classe que dans la modulation des choix de situations d’apprentissage.

À la CSA, il est mentionné dans un des articles que « les nouvelles règles de passage sont le fruit de réflexions, d’études et de consultations »; on m’assure que les quelques enseignants consultés l’ont été sur l’aspect des modalités de ce changement dans les règles, non pas sur leur pertinence. Il était « impossible », semble-t-il, de remettre en question cette politique ou d’être contre, m’a-t-on informé. Dans ce contexte, la sortie de la FSE me paraît être indiquée…

J’espère vraiment que la FSE se trompe dans son hypothèse, à savoir que « cette diminution des exigences soit une conséquence du fait que le MELS se soit mis à fixer pour chaque commission scolaire une cible à atteindre en vue d’un taux d’obtention de diplôme national de 80% en 2020 ». Le fait est qu’en agissant comme elle le fait avec ses règles de passage, la CSA prête flanc à « privilégier » un meilleur taux de diplomation, au détriment d’une meilleure formation pour tous. Je veux bien croire que les examens uniques et les règles de délivrance des diplômes sont encore là pour éviter un certain nivellement pas le bas, mais il faut savoir que malgré la collaboration de tous les instants des enseignants de 3e, 4e et 5e secondaire, l’hétérogénéité grandissante dans les groupes-classes risque de ne leur laisser que bien peu de choix : passer rapidement sur certains éléments d’un cours ou passer carrément par-dessus.

En agissant plus tôt – lire mettre le paquet – pour aider les jeunes à atteindre le niveau de formation requis normalement pour « passer » au second cycle, surtout en lecture/écriture, il me semble qu’on pourrait arriver quand même à diminuer le décrochage sans devoir envisager le nivellement par le bas. Réussir tout juste à passer au dessus de 60% avec « en poche » des examens finaux pas très réussis (qui comptent pour 50% de l’année) ajoutés à des résultats finaux à peine mieux, pour l’autre 50%, pourrait s’avérer être « bon pour les statistiques », mais très insatisfaisant pour les élèves auxquels ils leur en manquerait de grands bouts !

Et que dire des enseignants des cours qui ne sont pas reconnus par la CSA comme étant des « matières de base » ? Un élève ayant réussi ces trois matières que sont français, mathématiques et anglais pourrait à la limite ne pas avoir besoin d’en réussir aucune autre et pourrait continuer son parcours, comme si de rien n’était. J’entends déjà des logiques tordues se faufiler dans la tête de certains parents et élèves : « pas besoin de se forcer dans les cours qui ne comportent pas beaucoup d’unités ». M’enfin…

Je le répète, je suis capable de vivre aisément avec la différence dans les règles de passage entre les CS, tant que ces règles sont connues de tous et appliqués. Lorsque les règles sont en bas d’un certain seuil de réussite, les impacts de ce choix de règles doivent être bien compris et supportés par la communauté éducative si tant est que la décision repose sur des prémices bien exposées et documentées. La tournure que prend le présent débat semble nous indiquer qu’il y a encore du travail à faire dans certaines commissions scolaires.

J’aime bien que ce sujet devienne matière à débat au Québec. Plus il y aura de gens pour discuter de ces enjeux, plus la réussite des élèves sera comprise comme étant importante.

Je souhaite que chaque communauté éducative puisse compter sur des règles claires et connues de tous. Je souhaite que chacune d’elles puisse discuter des tenants et aboutissants et que les choix, d’une CS à l’autre, soient motivés par des points de vue les plus consensuels possible. Surtout, je souhaite que tous les élèves, quelque soit l’appétit d’apprendre, puissent sentir qu’ils peuvent repousser leurs limites et soient stimulés au maximum de leurs capacités.

Dans le cas de la commission scolaire des Affluents, j’ai bien peur que la démonstration de la pertinence des changements dans les règles de passage ait pris du plomb dans l’aile, à partir des démarches de consultation, en passant par la publication d’une lettre ouverte et tout ce qui s’en est suivi jusqu’à aujourd’hui.

Si la structure des commissions scolaires n’était pas si lourde, je dirais qu’il faut faire confiance à la capacité des enseignants, du personnel professionnel, des parents et des directions d’école, là où les seuils semblent trop bas, à en débattre et à s’ajuster, au besoin, mais dans l’état actuel de notre bureaucratie scolaire… j’ai des doutes. Surtout quand je compte le nombre de personne qui ont exigé de moi l’anonymat sur ce carnet, avant d’accepter de me donner leur avis.

Ça semble encore difficile, voire pénible, la prise de parole publique en éducation.

M. Lévesque est encore plus courageux que je ne l’avais soupçonné au départ… qu’il ait raison ou tord dans son hypothèse d’un diplôme d’études secondaires dévalorisé.

Mise à jour du 7 février : « Nouvelles règles de passage à la CSA : le débat n’est pas clos ».

Mise à jour du 14 février : Sur MA-TV, à l’émission Mise à jour Québec, on revient sur le sujet. L’entrevue avec Lorraine Normand-Charbonneau (Présidente de la FQDE) est bien, mais le reste du contenu demeure plutôt superficiel.

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