L’intimidation

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».

Il est heureux qu’on parle de plus en plus du phénomène de l’intimidation.

Si c’était simple à enrayer, on aurait rapidement trouvé comment faire, depuis le temps que ça existe.

Dans les écoles, au travail ou dans l’espace public ou privé, par l’entremise d’Internet ou de tout autre moyen de communication, la tentative d’exercer un pouvoir sur l’autre par le dénigrement, la manipulation ou le chantage fonctionne quand la victime est isolée. Dès lors que la personne (jeune ou moins jeune) intimidée ne se sent plus seule de son côté, on commence à avoir un peu de prise sur les efforts de celui, celle ou de ceux qui intimide(nt). Moins on est isolé, moins on est vulnérable.

En ce sens, j’ai bien aimé parcourir le mémoire d’une doctorante de l’Université de Montréal qui a mené une enquête auprès d’élèves de la fin du primaire dans 16 écoles de la région de Montréal.

Sur le seul contexte de l’utilisation d’Internet, cet extrait me paraît être assez représentatif des problèmes d’isolement auquel nous exposons les enfants…

«L’enquête indique que 78% des écoliers du primaire peuvent accéder librement à l’Internet sans surveillance d’un adulte. Et que 61% possèdent un téléphone portable ou un autre appareil permettant de communiquer par textes»(source).

Anne-Marie Côté qui étudie en criminologie a observé dans son enquête que la probabilité d’être victime diminue quand des «gardiens» interviennent dans les conflits qui sont souvent en amont de l’intimidation ou quand on se défend suite à des gestes qui induisent l’intimidation. Il semble que la violence dans les écoles ne soit pas un phénomène rare (verbale 74%, physique 44,2% et via les médias sociaux 22,7%), et il est très difficile de distinguer le rôle de victime de celui d’agresseur. Un(e) même élève peut facilement passer d’un «statut» à l’autre. Mme Côté suggère donc de porter davantage d’attention aux «tierces personnes» dans l’environnement des victimes. Elle croit qu’on pourrait mieux prévenir le processus qui conduit à la victimisation en leur portant plus d’attention. Ces tierces personnes (adultes ou pas) peuvent responsabiliser tout un groupe par leur positionnement clair contre toute forme de violence.

J’ai été invité à prendre position aujourd’hui dans différents médias (chez Mario Dumont – LCN et à CHOI Radio X Québec, entre autres) sur le sujet de l’intimidation, en particulier dans le contexte des enseignants qui craignent de plus en plus la présence des téléphones multifonctions dans les classes. Redoutant que les élèves utilisent leur appareil à mauvais escient, c’est une autre forme d’intimidation qui fait surface…

J’avais un «vieux billet» (écrit en 2012) sous la main – Cachez ce cellulaire que je ne saurais voir à l’école… – et je m’en suis servi pour ramener l’importance de recadrer la problématique globale de la présence des «cellulaires» à l’école. Au-delà des ressources et des conseils qu’il contient, j’aimerais ajouter trois mesures qui me semblent porteuses pour agir sur l’intimidation, en particulier quand elle se nourrie par les médias sociaux. Je crois qu’elle vont dans le sens de ce que propose Anne-Marie Côté, dans son mémoire.

  1. Dans chaque école, il devrait y avoir une ressource dédiée spécifiquement à l’intervention (préventive et consécutive) face à l’intimidation. Cette ressource devrait former et coordonner une brigade institutionnelle de pairs-aidants, dans la respect de la philosophie du professeur de l’Université de Sherbrooke, Jacques Limoge. Les jeunes ont tendance à se tourner vers leurs semblables pour demander conseil, la recherche le démontre assez clairement. D’où l’importance que certains jeunes soient formés en tant qu’aidants. On ne leur demandera pas de tout faire. Ne serait-ce que de leur apprendre comment référer… Cette ressource dédiée devrait aussi faire le pont entre la direction, les enseignants et les parents qui vivent des épisodes de doutes face à la réalité des jeunes confrontés avec l’intimidation parce que trop de parents se sentent persona non grata à l’école.
  2. Les interventions institutionnelles consécutives à l’intimidation devraient s’inspirer du modèle « conséquence / réparation », popularisée au Québec, entre autres, par Camil Sanfaçon. Le plus important dans la démarche étant ce qui entoure le processus de réparation…
  3. Dans la foulée du principe qu’on pourrait résumer par «cessons de se mettre la tête dans le sable», les C.S. devraient cesser immédiatement de mettre des filtres dans les réseaux informatiques qui bloquent les médias sociaux de l’intérieur des établissements scolaires. Le message envoyé aux jeunes quand on bloque c’est «vous êtes entre vous… y aura pas d’adulte» dans les médias sociaux; ce n’est ni le bon message, ni la bonne façon d’agir. Aussi comme parent, on devrait souvent demander à nos enfants «comment ça va dans ta vie numérique?». Rien de mieux que d’être présent dans la vie numérique de nos enfants, en tout respect d’une certaine intimité et vie privée qu’il est raisonnable de leur accorder…

À suivre… le sujet est loin d’être épuisé.

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