La fin du monopole des associations étudiantes ?

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».

Le Palais de justice de Québec est actuellement le lieu, inusité, où se poursuit «une des batailles» du printemps 2012.

Deux étudiants «carrés verts» sont à l’origine des trois jours d’audiences prévues pour entendre une requête en nullité constitutionnelle. En quelque sorte, on demande l’annulation de la loi 32 qui lie automatiquement les étudiants à leur association étudiante.

D’un côté, il y a deux étudiants corequérants et de l’autre, le Procureur général du Québec. La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) ne sont donc pas au coeur du litige, mais ils ont aujourd’hui l’occasion de faire valoir leurs arguments. L’association des étudiants de premier cycle de l’Université Laval, la CADEUL, a eu l’occasion de le faire hier.

Actuellement, le monopole similaire au modèle syndical ne permet qu’à une seule association de représenter les étudiants dans les discussions avec une université ou un Cégep.

«Le recours vise deux choses: le monopole de représentation et la cotisation obligatoire. [Pour ce qui est du] monopole de représentation, présentement, que ce soit par faculté, par programme ou par cycle, il y a juste une association qui peut être autorisée. (…) Premièrement, on est forcé de s’associer avec une association étudiante. Deuxièmement, disons que j’étais quelqu’un qui voulait fonder une deuxième association étudiante. J’aimerais avoir une pluralité de voix d’association étudiante, bien je ne pourrais pas le faire présentement» – Miguaël Bergeron, étudiant en administration des affaires à l’Université Laval (source).

Si les événements du printemps 2012 sont au coeur de la requête, dans les faits, ils ont été évacué du débat par la juge Michèle Lacroix de la Cour supérieure qui a «bien averti les parties de s’en tenir à leurs représentations sur la constitutionnalité de la loi» (source). Demeure par contre au centre du litige, le manque de représentativité des organisations étudiantes, selon les plaignants. Serait-il possible de fréquenter une université ou un cégep sans être membre d’une association étudiante et sans payer une cotisation? Qui pourrait prétendre parler au nom des étudiants? Ça semble être le genre de sujets au centre des préoccupations.

L’avocat Me Hans Mercier, qui défend les deux jeunes hommes à l’origine de la cause, en a «contre la formule Rand des cotisations obligatoires, utilisée dans le monde syndical». Selon lui, elle ne serait pas «adaptée à la vie étudiante» (source).

Il souhaite plaider que «ces dispositions violent le principe de la liberté d’association prévu dans la Charte des droits et voudraient que les étudiants aient clairement le choix d’adhérer ou non à une association et, le cas échéant, le droit de choisir l’association à laquelle ils veulent adhérer».

Finn Makela (professeur de droit à l’Université de Sherbrooke) croit que le recours est voué à l’échec.

«Si on regarde la jurisprudence en matière de cotisation obligatoire, c’est assez clair que d’être obligé de cotiser à un syndicat, comme dans le cas [jurisprudentiel], ça ne brime ni la liberté d’expression, ni la liberté d’association» (source).

J’enseignais à l’université au printemps 2012. J’ai été président de mon association étudiante à l’université au début des années 80. Mes trois garçons m’ont raconté comment se vivaient leurs assemblées générales lors de leur passage au collégial et à l’université. Si le mouvement étudiants bénéficie beaucoup des dispositions des lois pour s’organiser et créer un certain rapport de force face au gouvernement ou aux dirigeants des institutions collégiales et universitaires, il faut admettre que dans beaucoup d’institutions, un bon nombre de pratiques posent problèmes.

Le fait que les tribunaux aient à se saisir de ce genre de cause est déjà un symptôme que tout ne va pas bien dans la démocratie étudiante.

Par contre, ce qui s’est passé avec le Mouvement pour l’avenir de l’éducation du Québec (MAEQ) et le Mouvement des étudiants socialement responsables du Québec (MESRQ) montre que le nombre de ceux qui contestent l’ordre établi est relativement moindre que ceux qui supportent l’organisation actuelle des choses.

Au-delà du résultat de la démarche de ces deux étudiants, je souhaite qu’on profite du calme rétabli dans les facultés et sur les campus pour se donner des règles du jeu plus inclusives et moins déconcertantes.

Le maintien ou non des cours et de l’accès aux salles de classe à l’occasion d’importants conflits, la capacité de déclencher des grèves générales illimitées de la part des associations étudiantes et les choix d’appartenance à des mouvements étudiants doivent être repensés pour que la diversité des points de vue soit mieux représentée.

Je n’étais pas d’accord avec le point de vue des carrés rouges, mais j’ai beaucoup aimé que les étudiants se soulèvent et s’organisent pour faire connaître leur vision des choses au printemps 2012. On a d’ailleurs beaucoup à apprendre des moyens de communiquer qu’ils ont employés. La jeunesse a non seulement le droit de se faire entendre, mais doit posséder les moyens de leurs ambitions à s’opposer. Cependant, les règles du jeu des associations étudiantes doivent comprendre autre chose que le famélique quorum qui existe actuellement qui permet à une très petite minorité de décider pour la majorité, aussi silencieuse qu’elle soit. Ça prête flanc au genre de cause dont on parle plus haut…

Je reconnais un certain mérite à la démarche de ces deux étudiants qui veulent casser le système actuel, mais je n’aimerais pas que ce soit les tribunaux qui décident de choses aussi importantes que l’organisation de la démocratie étudiante.

La relative prévisibilité des hausses à venir des droits de scolarité devrait permettre aux intervenants concernés par ces questions de ne pas attendre et de rapidement aménager les forums de discussion nécessaires à l’adoption de meilleurs pratiques de représentation des étudiants qui tiendraient mieux compte des libertés d’association et d’expression.

Au-delà de ce litige, l’encadrement des mouvements étudiants doit changer.

Ajout : Un professeur de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Stéphane Beaulac, affirme que «le procès augure bien pour les deux plaignants». De son côté, J.-Jacques Samson explique que «les carrés verts Laurent Proulx et Miguaël Bergeron ont été très courageux de se lancer dans ce recours judiciaire».

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