Fouille à nu et pied dans la bouche

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Une élève du secondaire s’est sentie «intimidée», «violée», «détruite» et «honteuse» après avoir subi une fouille à nu à son école qui avait, semble-t-il, un «motif raisonnable» pour agir ainsi. Tout ce que trouve à dire le ministre de l’Éducation est que la fouille à nu dans les écoles est permise à condition «que ça soit très respectueux».

L’école cherchait de la drogue et avait des motifs raisonnables de croire que l’adolescente de quinze ans en avait en sa possession. Les circonstances qui entourent ce genre de situation dans une école représentent toujours une grande source de tensions. La direction souhaite dans ce genre de contexte amasser des preuves pour intervenir de manière appropriée face à la consommation et au commerce de drogues illicite dans un milieu scolaire. L’élève soupçonné sent rapidement sa marge de manoeuvre diminuer et toutes sortes d’émotion peuvent surgir. Rapidement, le stress, la peur, la colère ou la honte peuvent engendrer divers réactions qui peuvent aller de la bravade agressive à la collaboration de bonne foi.

Dans l’incident rapportée plus haut, on n’a pas trouvé de drogue. De plus, il semble que «la jeune fille ne pouvait même pas téléphoner à sa mère».

Commenter la façon dont l’école «a géré» la situation, est une chose. Réagir à la déclaration d’un ministre de l’Éducation questionné sur ce sujet en est une autre.

Je ne m’étendrai pas sur le comportement de l’école ou de la direction parce qu’il me manque trop d’éléments de contexte pour le faire adéquatement. On pourra y revenir…

Par contre, la déclaration du ministre Yves Bolduc ne peut bénéficier de la même retenue.

En légitimant d’une manière aussi simpliste la fouille à nu dans une école, le ministre de l’Éducation n’aide personne.

La déclaration du ministre ajoute au désarroi des parents et de la jeune fille qui, après s’être sentie humiliée à l’école, voit le ministre en rajouter.

Du côté de l’école, la pression s’accentue au lieu de diminuer. Comme l’écrit à raison Michel Hébert, «L’objet de la fouille (vente de drogue présumée) fait moins de vagues que la réax[réaction] de Bolduc». Après la déclaration ministérielle, «l’affaire» prend des proportions nationales, alors qu’un ministre responsable serait intervenu pour relativiser les faits. Il y avait un espace pour témoigner de la compassion pour l’élève victime d’une fouille «pas ordinaire» et un minimum de soutien à apporter à la direction de l’école.

Tout est foutu en l’air par une malheureuse déclaration qui s’ajoute à plusieurs autres où Yves Bolduc s’est mis le pied dans la bouche.

En gros, à moins d’être dans le contexte d’une incarcération en prison, les termes «fouille à nu» et «conditions respectueuses» ne peuvent que semer la confusion. Les deux «vocables» ne vont pas ensemble, dans la même phrase, quand il s’agit d’un événement qui se déroulent entre les murs d’une école.

Une «fouille des vêtements» et une «fouille à nu» ne sont pas semblables.

Laissons l’école s’expliquer avec les parents d’abord, sur ce qui s’est passé. Les prochaines heures nous permettront probablement de mieux comprendre le contexte de l’intervention. Il faudra aussi rassurer celle qui l’a vécue et, à l’interne avec les parents, faire le point sur l’histoire de drogue qui a suscité l’intervention.

Quant au ministre, je me demande comment il se sortira de ce nouvel épisode d’incohérence qui porte à croire qu’il est possible de fouiller à nu respectueusement une adolescente dans une école.

Mise à jour du lendemain : Ce matin, Yves Bolduc est en mode «rassurons les parents»… Sur le blogue de l’avocate en droit criminel Véronique Robert, il est clairement mentionné que la fouille à nu n’est pas un geste banal : «Aucune décision canadienne n’a permis à la direction d’une école d’humilier sexuellement une élève en la déshabillant». Ce soir, après son passage au Téléjournal, c’est devenu encore plus clair qu’aucune fouille à nu n’est possible dans une école…

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1 Commentaire
  1. […] se souviendra que j’avais écrit sur le sujet au moment des évènements pour affirmer haut et fort qu’il n’y avait aucune […]

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