La guerre aux bonbons, la bonne conscience d’une CS

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

L’idée d’interdire les friandises aux enfants ne date pas d’hier. Plusieurs familles ont essayé depuis la nuit des temps «l’interdit» comme façon d’éduquer leurs enfants aux saines habitudes de vie, avec plus ou moins de succès. La Commission scolaire (CS) des Premières-Seigneuries annonçait récemment vouloir se doter d’une politique dans toutes les écoles sous sa gouverne visant à ce que les élèves n’aient plus «le droit de manger des gâteries à l’école, et ce, sous aucun prétexte». Tolérance zéro. Je parie que cette déclaration de guerre aux bonbons causera bien plus de tracas qu’elle ne résoudra de problèmes, liées ou pas à la santé des jeunes des écoles de cette CS…

Ça part sûrement d’une bonne intention, la santé de nos jeunes ne se construisant pas à coup de friandises. Je ne jette pas la pierre à ceux parmi les dirigeants scolaires qui veulent éloigner des petits estomacs en croissance des nutriments qui ont bien peu de valeurs nutritives. Cependant, je vois une panoplie de répercussions qui compliqueront la vie des parents, des enseignants et des directions d’école. Et puis, disons-le franchement : la guerre aux bonbons serre bien davantage à se donner bonne conscience qu’à réellement agir sur la bonne santé des enfants !

Trop de règlements, tue les règlements
Le directeur d’école que j’étais aurait lutté ferme contre ce projet de règlement, à moins que ça vienne d’une demande de tous les parents des élèves de mon école, et encore, j’aurais suspecté un pelletage de responsabilités dans notre cour, ce qui aurait suscité ma désapprobation. Dans les établissements que j’ai dirigés, j’aimais que la liste des choses interdites soit courte, mais que nous nous donnions les moyens de nos ambitions à les faire respecter.

Quand trop d’interdits sont dans le code de vie d’une école, on ne sait plus donner de la tête.

Pour ce qui est de l’ambition d’interdire les friandises dans toutes les écoles… je vois venir sur le territoire d’une commission scolaire beaucoup de débats et de discussions sur une thématique qui me paraît, disons, bien éloignée de la mission première de l’école québécoise (instruire, socialiser et qualifier). Une distraction de plus… même si la santé des jeunes reste un sujet préoccupant.

La cour de l’école est pleine de sujets intéressants. La direction d’école avisée sait où placer l’attention de sa communauté.

La commission scolaire n’a-t-elle pas de plus gros problèmes auxquels s’attaquer que la consommation de bonbons chez les élèves ?

Faut-il règlementer l’usage des friandises au-dessus des conseils d’établissement qui ont déjà des pratiques qui semblent assez bien fonctionner sur le sujet, d’une école à l’autre ?

S’est-on demandé si l’interdit, dans certains milieux, ne pourrait pas stimuler le jeu stérile du chat et de la souris au moment où on essaie de prendre le contrôle sur des comportements interdits qui causent plus de dommage que la consommation de bonbons ? Au secondaire, comment va-t-on faire respecter ce genre de règlement ?

Sait-on qu’au final, souvent, ce genre de règlement entraîne une sorte de phénomène de compensation qui produit l’inverse de ce qu’on recherche – on en mangera plus, ailleurs, parce que c’est interdit à l’école ? Sans compter la porte ouverte, au secondaire, au commerce illicite.

On a bien besoin dans les écoles de ce genre de politique qui cause plus de problèmes qu’elle n’en résout…

Interdire est-elle toujours la meilleure stratégie pour éduquer ?
On comprend l’objectif… inciter les enfants à faire des choix alimentaires basés sur des critères qui favorisent le maintien d’une bonne santé.

Le sucre est un aliment qui est responsable de bien des maux. On le banni en bas âge : on élimine un ennemi !

Ça ne fonctionne pas si simplement.

Pour faire acquérir de bonnes habitudes alimentaires à des jeunes adultes, interdire un ou plusieurs aliments / comportements en bas âge à l’école est-il à ce point documenté qu’une commission scolaire est légitimée d’agir ainsi ?

J’ai été invité par l’animateur de l’émission du retour à CHOI Radio X à discuter de ce qui me semble être un faux problème et plusieurs arguments contre ce projet de politique ont vite surgi (hyperlien pour écouter l’extrait, après la météo).

Si la commission scolaire voulait lancer un débat, c’est réussi.

Mais j’ai bien peur que l’intérêt des élèves des écoles de cette commission scolaire et leur réussite scolaire passe bien après la simple volonté de se donner bonne conscience.

C’est comme si on disait : en matière d’acquisition de saines habitudes de vie, on a une politique de tolérance zéro aux sucreries, alors on fait le travail. Fin de la discussion.

Je suis biaisé : quand les grands ensembles administratifs scolaires adoptent des règlements qu’ils demandent à d’autres d’appliquer, généralement, je déchante.

En matière de gestion aux Premières-Seigneuries, on semble privilégier l’approche «du haut vers le bas» («top-down») et du «mur-à-mur». Ça ne ressemble pas à ce que je connais des pratiques de gestion du passé de cette commission scolaire.

Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour qu’on en arrive à accorder autant de pouvoir aux sucreries ?

Les choses vont-elles à ce point bien dans cette commission scolaire pour qu’on en soit rendu à s’attaquer aux bonbons du scandale ?

Certains me semblent avoir trop de temps pour penser…

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