Les futurs profs en arrachent… tout simplement !

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Les nouveaux enseignants qui entrent cette année dans les classes du primaire et du secondaire après avoir été formés dans les facultés d’éducation de nos universités québécoises ont de la pression. Beaucoup de pression. On se questionne souvent sur leur maîtrise du français écrit, mais se demande-t-on quel est le portrait global de leur entrée dans «la profession»? Il y a bien pire que de devoir réussir le test de certification en français écrit pour l’enseignement (TECFÉE).

Les chiffres obtenus par le Journal ce matin sur la proportion d’étudiants qui réussissent le TECFÉE du premier coup font beaucoup réagir. Je ne suis pas particulièrement impressionné par les taux d’échecs, personnellement. Je dirais même que je suis rassuré.

Compte tenu du grand nombre d’étudiants du Cégep recruté par les universités pour qui l’enseignement est un deuxième ou troisième choix, c’est l’inverse qui m’aurait inquiété. La carrière en éducation n’attire pas les meilleurs élèves du secondaire. La cote «R» de ceux qui entrent dans les facultés d’éducation n’a rien à voir avec celle de ceux qui entrent en médecine, en génie ou en droit. Les futurs profs ne sont pas choisis parmi la crème des meilleurs étudiants et éprouvent donc plusieurs lacunes en débutant leur formation supérieure.

Le climat actuel en éducation est-il propice à un changement de situation qui verrait de nombreux et de meilleurs étudiants souhaiter devenir enseignants?

Poser la question, c’est y répondre…

Dans les circonstances, Pascale Lefrançois (professeure au Département de didactique de l’Université de Montréal – UdeM) a parfaitement raison d’insister sur le fait que «98 % des étudiants satisfont aux exigences après quatre tentatives» à l’UdeM. Cette statistique est le reflet du bon travail qui est fait pour bien préparer les futurs profs. Reste à limiter le nombre de reprises permis avant d’exclure un candidat à l’enseignement. Ça viendra…

Des problèmes bien plus importants attendent les futurs enseignants du primaire et du secondaire que la passation du TECFÉE. Passer au travers de la longue période où on agit en tant que suppléant, être capable de se trouver un poste permanent dans une école publique avant dix ans, apprendre à composer avec les repêchages annuels qui font en sorte qu’on ne sait jamais avant la rentrée de quoi sera composée sa tâche d’enseignement représentent des défis pas mal plus exigeants.

Plusieurs jeunes enseignants décrochent avant d’avoir réussi à surmonter ces épreuves, le sait-on?

Et je ne parle pas de ce qu’il y a à apprendre pour bien gérer une classe. Le comportement des élèves et des parents d’aujourd’hui exige des jeunes enseignants des aptitudes sociales bien au-dessus de la moyenne. Apprendre à composer avec toutes sortes d’exigences syndicales et patronales, par dessus les phénomènes d’intimidation et de violence dont on entend parler souvent dans les médias me paraissent être des défis pas mal plus importants, en terme de survie professionnelle ou d’avancement, que le stress lié à la réussite du TECFÉE.

Les futurs profs en arrachent avec plusieurs facettes de leur intégration professionnelle. L’écran de fumée que constituent les chiffres de ce matin cache une réalité bien pire que les conséquences du trop grand nombre d’échecs à l’examen obligatoire pour l’obtention du brevet d’enseignement.

Je ne dis pas qu’il faut banaliser les faits rapportés par la journaliste Daphnée Dion-Viens. Je dis qu’il faut d’urgence s’attaquer à bien plus grave : beaucoup trop d’embûches sont mis dans le chemin des jeunes candidats à la profession d’enseignants dans le réseau public d’éducation.

L’organisation déficiente du travail agit de manière à ce qu’un très grand nombre de nouveaux enseignants abandonnent l’enseignement au cours des cinq premières années et c’est inadmissible.

La précarité de l’emploi pour les jeunes qui entrent en enseignement est un cancer qui tue lentement l’envie d’enseigner aux jeunes. On ne compte plus les témoignages en ce sens… (1, 2, 3, 4, pour exemples).

Je veux bien qu’on se scandalise du fait que beaucoup d’étudiants en débutant leurs études en enseignement aient de la difficulté à accorder les participes passés, mais il y a bien pire, d’autant que le TECFÉE est là pour démontrer qu’on bloque ceux qui ne satisfont pas aux exigences.

Les jeunes profs en arrachent en général parce que l’école telle qu’elle est organisée en 2015 n’en a que pour protéger les acquis des générations qui les ont précédés, ministres inclus.

En se préoccupant des raisons pourquoi autant de jeunes enseignants décrochent, on augmenterait le désir d’envisager une carrière en éducation et ainsi, on diminuerait l’angoisse d’avoir à composer avec autant de candidats qui ne possèdent pas les pré-requis pour enseigner.

Les faibles résultats aux premières tentatives de passer l’examen obligatoire de français écrit dans les facultés d’éducation du Québec sont à la fois, un symptôme de l’incapacité de l’école à s’adapter et un symbole de la réussite des méthodes de contrôle de la qualité de la formation des enseignants.

On peut continuer de râler contre la jeunesse, mais il faudrait peut-être regarder de plus près jusqu’à quel point on fabrique les conditions qui exposent leurs difficultés.

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