Le poids des quatre-vingt-dix-neuf pour cent

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Entre les gouvernements et les grandes entreprises privées, il y les «99 %». Selon le réputé professeur Henry Mintzberg, dans les prochaines années, le «secteur pluriel» est appelé à jouer un rôle crucial pour combattre l’arrogance managériale des élites autant que pour constituer un antidote au manque de leadership des gouvernements.

Je viens de lire le plus récent ouvrage du professeur Henry Mintzberg de la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, auteur prolifique et promoteur reconnu du management stratégique. Disponible gratuitement en format .pdf, le livre de 130 pages paru en janvier dernier propose un rebrassage radical de l’économie qui va bien au delà de la gauche, de la droite ou du centre.

Il demande au secteur privé de se montrer beaucoup plus responsable et il nous convie à respecter davantage le secteur public. Il affirme que le vrai changement ne viendra ni des gouvernements, ni des marchés.

«La solution n’est pas d’être plus à gauche, mais de sortir de ce va-et-vient entre les pôles public et privé afin de réintroduire un troisième secteur, qui est déjà très présent, mais largement ignoré : le secteur pluriel» (source).

Henry Mintzberg croit que le secteur « pluriel » peut devenir beaucoup plus robuste. Il est déjà passablement fort au Québec, mais il est souvent pris entre deux feux. On dit de ce secteur au Québec qu’il «contribue pour plus de 22 milliards $ au PIB, qu’il emploie près de 470 000 personnes et qu’il peut compter sur un bassin de 2,4 millions de bénévoles» (source). Il serait composé des organismes à but non lucratif (OBNL), fondations, associations professionnelles, coopératives, mutuelles, maisons d’enseignement et établissements de santé.

Certains parlent de la «société civile», d’autres des «99%» et il intègre «les mouvements sociaux (féministes, indignés, écologistes…) et les initiatives sociales (microfinance, banques alimentaires, etc.). Je me demande si les entrepreneurs et les salariés des petites et moyennes entreprises comptent dans ce regroupement?

Mintzberg croit qu’il constitue l’ingrédient qui pourrait procéder au «rééquilibrage du capitalisme»…

«Certains pays, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, doivent le développer face au poids écrasant du secteur privé; d’autres, comme la Chine, le doivent également face au poids tout aussi écrasant du secteur public; le Brésil, peut-être l’Inde, sont à mon avis les plus proches de l’équilibre entre les trois secteurs, et sont en ce sens les meilleurs agents du modèle économique à venir» (source).

Dans un entretien qui porte sur son livre diffusé au Canal Savoir, le «Mick Jagger» du management (selon le magazine Fast Company) appelle les entreprises à devenir davantage des modèles de communautés. Il explique que plusieurs ont perdu de vue leur rôle social et cela l’inquiète. «Great companies are great communities», dit-il!

Il ajoute qu’il ne faut pas confondre «réseau» et «communauté», dans ce monde où les gens sont interconnectés et communiquent, mais pas nécessairement en train de collaborer. Il cite en exemple le mouvement «Occupy Wall street» qui n’a pas produit les fruits escomptés pour cette seule et même raison…

«Si vous ne savez pas faire la différence entre un réseau et une communauté, essayez d’inviter vos amis Facebook à venir vous aider à peinturer votre maison».

Je me souviens à la lecture du livre de Jacinthe Tremblay «Entretiens avec Henry Mintzberg» avoir éprouvé voilà quelques années un certain malaise à lire la description faite du modèle économique de nos voisins du Sud. Le sous-titre du livre était d’ailleurs «Comment la productivité a tué l’entreprise américaine». Dans ce dernier livre, Rebalancing Society, Mintzberg ajoute cinq enjeux aux États-Unis qui décrivent à quel point la situation empire…

  • The United States has the highest rate of incarceration in the world. L’état le plus populeux – la Californie – consacre une plus grande part de son budget de dépenses aux prisons qu’à l’éducation secondaire.
  • 69% of American adults, plus one-third of adolescents and children, were found in 2013 to be overweight, and 36% of them, plus one-fifth of the latter, obese. Seul le Mexique en ce moment possède de pires statistiques sur l’obésité.
  • The U.S. health care costs are the highest in the world, by far—above 17% of GDP, compared with about 12% for the next country. On parle d’un poids de 11% sur le produit intérieur brut, au Canada. On dit dans une étude de 2006 sur la santé des élites Américaines que le diabète et les maladies cardiaques des plus éduqués et riches parmi eux se comparent aux gens les plus pauvres et les moins scolarisés de la Grande-Bretagne.
  • Antidepressants have become the second most prescribed drugs in the U.S. (after those to reduce cholesterol). Pour une population de 309 millions en 2010, il y aurait 254 millions de prescriptions d’anti-dépresseurs, ce qui fait dire aux experts que 25% des adultes Américains auront à vivre un épisode de dépression majeure à un moment ou à un autre de leur vie.
  • Nearly two-thirds of Americans believe the nation is in decline, according to a variety of surveys… The country is anxious, pessimistic, ashamed, helpless, and defensive, écrit le chroniqueur David Brooks au New York Times en 2011. Un rapport de 2005 parlait des États-Unis comme étant LE modèle de démocratie dans le monde, sur 114 nations répertoriées. Ces derniers temps, il semble que le taux des citoyens aux États-Unis qui font confiance à leur gouvernement en ce qu’il fait «ce qui doit vraiment être fait» a atteint un plancher historique.

L’ouvrage comprend une citation du Pape François qui affirme que «L’argent doit servir et non pas gouverner». Dans l’entretien sur vidéo, Mintzberg remercie Dieu que le Saint-Père ait prononcé cette sage parole et se félicite de pouvoir compter sur «son support»…

L’essai de Henry Mintzberg aurait avantage à circuler dans les mains de nos dirigeants, tout autant que dans celui des dirigeants de nos grandes sociétés. Une belle lecture que je conseille pour cette semaine de relâche scolaire!

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