Les actions Péladeau, le choix de Pierre Karl

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Quelques voix s’élèvent pour affirmer qu’entre deux maux, nous devrions choisir le moindre. Puisque Pierre Karl ne veut rien savoir de céder à d’autres ses actions Péladeau dans Quebecor, on devrait le laisser siéger au parlement tant que des électeurs lui feront assez confiance. Voici des voix libérales et souverainistes qui capitulent devant le gros bon sens !

Pierre Karl Péladeau est vraiment très habile. Il a réussi à convaincre mes collègues du Journal Lise Ravary et Patrice Servant qu’il fallait choisir entre deux maux, le moindre : ce serait la solution du moins pire !

«La démocratie exige cette souplesse», affirme Lise.

«L’éjecter du parlement ou le forcer à vendre ses actions de Quebecor, serait pire pour le Québec», écrit Patrice.

En présentant la situation de manière aussi simpliste, j’avoue que pour la première fois, mon collègue au blogue des «spin doctors» me déçoit énormément.

C’est que justement, il n’y a pas que deux choix possibles…

Je m’explique.

Pierre Karl Péladeau tient mordicus à rester propriétaire du plus important empire des médias au Québec (40 % du marché, certains parlent de 42%) et il veut aussi devenir notre premier ministre, pour faire un pays.

Il est l’actionnaire de contrôle de toute l’entreprise (qui ne détient pas que des médias) parce qu’il en possède 28 % des actions ordinaires, mais 74 % des actions à droit de vote.

D’abord une chose : je ne souhaite vraiment pas que PKP se retire de la politique. D’ailleurs, je crois vraiment qu’une large majorité de personnes croit que la venue en politique de M. Péladeau est une bonne chose. Le principal intéressé le sait trop bien et je le soupçonne même de présenter une vision très étroite des choses pour s’attirer la faveur des gens et de son option.

Qui voudrait vraiment que Pierre Karl Péladeau soit contraint à quitter, de force, la politique ?

Des gens qui n’aiment pas la démocratie.

Voilà qui explique à mon avis que le chef du Parti québécois n’a pas du tout intérêt à faire des concessions sur ses avoirs.

Habilement, il présente toujours les choses de la même manière, comme s’il n’y avait que deux choix possibles : vendre ou quitter.

Dernièrement, il plaide que d’obliger l’éventuelle vente de Québecor ferait perdre un siège social important au Québec argumentant du même souffle «qu’il n’y a personne ici qui aurait les cinq milliards de dollars nécessaires pour acquérir l’entreprise».

Au micro de Éric Duhaime et de Nathalie Normandeau il précise que de toutes façons, «j’ai reçu ces actions de mon père, c’est important pour moi qu’elles restent entre les mains d’un Péladeau».

Voilà. Il entre-ouvre la porte pour mieux la claquer. Sous-entendu… forcez-moi à quitter la politique, vous vivrez avec les conséquences !

Des fois, avec «la vigueur» de son option dans l’opinion publique actuellement (je parle de l’indépendance du Québec), j’en viens à me demander si ce refus d’entendre parler du scénario de la vente n’est pas sa meilleure police d’assurance, en cas de pépins. Il pourra toujours sortir de politique en disant, «ça ne lève pas parce qu’on me harcèle sur l’histoire de mes actions. Je nuis à l’option, je me retire».

Je le répète, Pierre Karl Péladeau a intérêt à créer sa fiducie sans droit de regard rapidement et à jouer la polarisation entre deux seuls choix possibles : il vend ou il quitte !

J’ai lu plusieurs auteurs sur le sujet et ça tourne souvent autour des mêmes enjeux.

Derrière le «il doit choisir», il y a Pierre Duhamel et Alec Castonguay de l’Actualité, Yvan Allaire et Michel Nadeau de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, Rémi Bourget du mouvement Québec inclusif, la Fédération professionnelle des journalistes, le jurisconsulte de l’Assemblée nationale et certains péquistes, dont Dominique Payette et Pierre Céré qui se sont exprimés assez clairement sur le sujet.

De l’autre côté, j’ai lu entre autres les arguments de plusieurs personnalités du mouvement indépendantiste qui croient plutôt qu’il y a moyen de faire avec.

Je sais, j’en oublie.

On peut difficilement en vouloir à Pierre Karl Péladeau d’entretenir le rêve de céder un jour à sa descendance l’entreprise dont il a hérité pour qu’une troisième génération de Péladeau dirige Québecor.

Mais la question se pose, l’entreprise à léguer doit-elle être exactement celle dont il a hérité ? D’ailleurs, jusqu’à quel point Quebecor d’aujourd’hui ressemble à Quebecor du temps de Pierre Péladeau ?

J’ai lu chez Alec Castonguay et du côté de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques plusieurs autres alternatives mitoyennes entre les deux extrêmes présentés par M. Péladeau et il me semble qu’on devrait davantage insister sur ces possibilités.

La piste de regrouper toutes les activités reliées aux médias sous une bannière pour s’assurer que PKP n’en ait plus le contrôle me semble très porteuse.

« »En résultat de ces opérations, les journaux et stations de télévision seraient, en droit et en fait, hors de portée de l’influence de M. Péladeau », selon les représentants de l’Institut sur la gouvernance.»

Un mot sur l’exemple de l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, qui semble avoir beaucoup impressionné mon collègue blogueur.

Il me semble que le type d’agence de presse présenté par le groupe Bloomberg ne se compare pas dans le paysage médiatique du marché de New York à la force du groupe média de Quebecor dans le marché du Québec. Boomberg n’est pas un réseau de presse grand public comme le sont tous les médias, propriétés de Quebecor.

Pour la suite du débat sur «la situation exceptionnelle» du député de Saint-Jérôme, je suggère aux parlementaires et aux institutions vouées à l’application des règles du jeu parlementaire de cesser d’être complice de la vision des choses de M. Péladeau.

Il n’y a pas que deux choix possibles.

Les actions de Quebecor peuvent demeurer Péladeau si on sort (en tout ou en partie) les médias de la structure de l’entreprise. Le choix de Pierre Karl cessera alors d’être aussi déchirant et on pourra ainsi faire les débats sur les enjeux politiques appropriés.

Les médias de Quebecor ne valent pas cinq milliards $.

Et si Pierre Karl Péladeau agit de manière à empêcher une recherche de solutions compatible avec la hauteur des fonctions auxquelles il aspire, on comprendra qu’il ne mérite pas la confiance des gens qui croient à son option.

La meilleure façon de combattre les idées politiques de Pierre Karl Péladeau n’est pas de l’empêcher de faire de la politique.

Reste à voir si Pierre Karl Péladeau est capable d’organiser sa compagnie pour qu’elle ne le place plus dans l’énorme conflit d’intérêts dans lequel elle le place actuellement.

S’il n’en est pas capable, il faudra faire campagne sur ce conflit d’intérêt, n’en déplaise aux souverainistes et aux autres qui trouvent qu’on s’éloignera alors des vraies affaires.

C’est monsieur Péladeau qui l’aura voulu ainsi.

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