La rentrée syndicale

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Dans le but avoué d’obtenir l’appui concret des parents d’élèves du préscolaire, primaire et du secondaire dans le cadre des présentes négociations des conventions collectives, un canevas de lettre est proposé aux enseignants syndiqués. Il est suggéré de «l’utiliser dans sa version intégrale ou de la modifier selon vos besoins». Il s’agit essentiellement « d’expliquer » aux parents les intentions des syndiqués dans l’année scolaire à venir.

Le projet de lettre est facile à trouver. Sur une page Facebook nommée «La « vraie » vie des enseignants» ou sur un site Google ouvert au public, la proposition de texte à acheminer aux parents est bien en vue. Les liens circulent par l’entremise des médias sociaux et au moment d’écrire ce billet, plus de 1 500 3 500 partages avaient déjà eu lieu.

L’auteure se décrit comme étant elle-même une enseignante (je suppose, du primaire) qui a composé une lettre pour les parents de ses élèves. «Je la leur remettrai en début d’année, probablement lors de la rencontre de parents en septembre», affirme-t-elle.

L’enseignante y décrit aux parents sa prise de conscience qu’elle travaillait «beaucoup plus que les 32 heures effectivement payées» (qui croit encore qu’un prof à temps plein ne travaille que 32 heures par semaine?) et qu’en 2015-2016, elle compte s’y prendre différemment avec les élèves:

  • «Pas de temps cette année à personnaliser mon enseignement selon les intérêts de chaque élève».
  • «Je communiquerai également moins souvent avec vous.»
  • «Je n’organiserai pas d’activités spéciales ou de sorties de fin d’année»
  • «Je ne gérerai pas de campagne de financement pour l’école.»
  • «Je ne créerai pas de nouveaux matériels colorés et stimulants le soir et les fins de semaine chez moi pour votre enfant.»
  • «Je n’offrirai plus de périodes de récupération aux élèves sur mes heures de dîner ou lors des récréations.»

Elle ajoute que ces « mesures » auront de l’impact sur les enfants… «Mon lien avec lui sera différent. Sa motivation risque d’être moindre. Ses apprentissages seront plus difficiles. Ce faisant, il y aura des répercussions à la maison.»

Une lettre déplorable
Je ne sais pas combien de parents recevront cette lettre ou une déclinaison de versions plus ou moins semblables.

Personnellement, le parent que je suis (même si je n’ai plus d’enfant qui fréquente l’école primaire) au bout de cette lecture, se poserait bien des questions…

Le directeur d’école que j’ai été serait dans tous ses états de savoir que des éducateurs qui se considèrent comme des professionnels planifient d’envoyer une telle lettre à des parents d’élève.

Je suis peut-être «déconnecté» de la réalité, mais je ne m’imagine pas un instant pouvoir concilier «valorisation de l’école publique» avec une telle communication dans le portrait de cette rentrée scolaire d’automne.

Pour le moment, il faut demeurer prudent… peut-être que dans les faits, on ne verra pas ce genre de document circuler de l’école publique à la maison, ni la manifestation du comportement obtus qui y est décrit.

Les enseignants méritent mieux
Je suis de ceux qui pensent que les enseignants ne sont pas assez bien payés, qu’ils devraient bénéficier de meilleures conditions de travail et que leur statut professionnel n’est pas à la hauteur.

Mais bien franchement, ce genre d’initiative me déplaît souverainement.

J’ai entendu dernièrement certains enseignants du réseau public me raconter l’ambiance probable de leurs premières journées de présence à l’école qui ne devraient pas permettre de tenir des réunions de travail (tapage planifié et mot d’ordre à se montrer bruyant et dissipé lors des réunions) et je ne peux pas croire que certains milieux se retrouveront dans un tel cirque.

Je veux bien accepter que nous ne sommes plus au temps des « Filles de Caleb » (je réfère à un passage du projet de lettre), mais qualifier le système d’éducation de « supercherie moderne » (même référence) n’aidera en rien la présente négociation et encore moins, la nécessaire valorisation de l’enseignement public.

Je souhaite vivement que les enseignants ne s’inspirent pas d’un tel projet de lettre.

On n’a pas besoin au Québec actuellement de se comporter en de simples travailleurs de l’éducation pour obtenir le respect dû aux professionnels que nous sommes !

Mise à jour du lendemain: Réaction chez Michèle Poupore… «Pour en finir avec la position du missionnaire».

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