La campagne des David…

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

N’essayez pas de trouver une citation de Françoise David qui affirmerait qu’elle fait campagne pour le NPD et Thomas Mulcair, il n’y en a pas. Même chose pour le chroniqueur du Devoir David Desjardins. Mais ils ont en commun de furieusement détester le Parti conservateur et son chef Stephen Harper contre lesquels ils font ouvertement campagne.

La chute des néo-démocrates de cette semaine dans les sondages semble avoir fait sortir « les David ».

Françoise a déposé une motion controversé contre l’islamophobie, une sorte d’appel au calme, dit-elle. Ça m’a paru être une déclaration de guerre : «Le 19 octobre n’est pas un référendum sur le niqab, mais bien un référendum sur les neuf ans de pouvoir d’un gouvernement conservateur antifemmes, antiécologistes, antitravailleurs, antiréfugiés et guerrier».

M. Desjardins quant à lui, raconte dans sa chronique d’aujourd’hui une conversation avec sa jeune fille dans la voiture, au retour de l’école. Un extrait qui rejoint la pensée de l’autre, je crois : «Les conservateurs prenant l’électorat pour des enfants, agissant avec une telle puérilité, il devient facile d’expliquer en quoi ils sont minables».

Je ne sais pas si l’excellent débat d’hier «Face à Face 2015» aura permis au Nouveau Parti démocratique du Canada (NPD) de juguler sa chute dans les sondages (démontrée par le calcul électoral), mais chose certaine, la montée des conservateurs promet une fin de campagne palpitante.

L’offensive « des David » est représentative d’un malaise qui consiste à ne pouvoir sérieusement prendre position pour quelqu’un en particulier, dans cette croisade contre le « mal conservateur ».

David Desjardins l’exprime clairement dans le dialogue avec sa jeune interlocutrice, «je n’ai rien de mieux à proposer. Je ne sais pas si c’est moi le problème, ou si c’est la politique».

Françoise David identifie à sa manière la problématique. D’une coté, elle affirme ne pas être une pro-niqab – « c’est une prison pour les femmes » – mais de l’autre «elle invite les politiciens à passer à autre chose et à laisser le débat se faire dans un autre contexte que celui d’une campagne électorale».

Le débat sur le niquab a en effet eu un curieux effet sur les aiguilles des sondages qui se sont mises à bouger tout d’un coup, sans qu’on ne comprenne réellement pourquoi.

Toute la semaine, les médias ont rapporté que sur 686 195 personnes qui ont obtenu la citoyenneté canadienne dans les quatre dernières années, «deux femmes ont refusé de prêter leur serment de citoyenneté parce qu’elles devaient retirer leur voile» (source).

Il y a dans cette fraction – 2/686 195 ou 0,0003 % – un puissant symbole de la peur de son ombre.

Ni cette statistique, ni la motion de Mme David n’ont contribué à faire sortir le débat sur le niqab de la campagne électorale. Un des problèmes étant que le Bloc québécois fait autant campagne (sinon plus) sur cet enjeu que les conservateurs. Le sujet faisait encore parti du grand débat télévisé d’hier, un segment particulier lui était même consacré.

La ligne de M. Mulcair était encore la même : «Moi aussi je suis mal à l’aise».

Ça sent la peur d’affronter le sujet à plein nez.

Je considère que cette posture le sert très mal… Stephen Harper l’a constaté et en a rajouté hier soir : «M. Muclair, vous n’êtes même pas capable de convaincre vos propres députés».

Il faisait référence à cette manchette qui identifie quelques candidats voulant se distancer de la position étroite de leur chef, dont Roméo Saganash qui n’est pas le dernier venu au NPD.

« Les David » doivent apprendre à vivre avec « leur peur » et leurs contradictions dans cette campagne.

La discussion avec sa jeune fille rapportée par David Desjardins lui-même est lourde de sens et pourrait refléter le point de vue de plusieurs Québécois… «Elle m’a tranquillement emmené à cet endroit qui me répugne depuis toujours, ce confortable lieu du mépris généralisé de la chose politique qui me fait presque toujours voter contre et jamais pour. Cette part de moi qui me fait un peu honte, parce que je sais qu’elle ne peut mener qu’à l’impasse».

Avec Françoise David, ça s’exprime autrement. Dans une lettre ouverte qui lui était adressée, un «Québécois de culture musulmane» s’exprimant au nom de d’autres, se dit outré «que vous parliez en notre nom en utilisant ce mot islamophobie (…) Mais ce qui nous choque encore plus c’est que vous ayez introduit, aujourd’hui, à l’Assemblée nationale du Québec, le mot islamophobie. Nous tenons à réagir sur l’utilisation erronée, abusive et non-fondée de ce terme».

Nathalie Roy et Maka Koto avaient avant lui mis en garde la figure de proue de Québec Solidaire.

«Islamophobe veut aussi dire avoir peur de l’islam», la Coalition avenir Québec aurait préféré «que le terme islamophobe soit retiré du texte de la motion».

Le député péquiste est allé encore plus loin :
«Il a dit espéré que la motion « ne soit pas une tactique pour aider un parti, en l’occurrence orange au Québec, embourbé dans cette question de valeurs entourant le port ou non du niqab », et que les députés demeurent « vigilants » face aux causes qui amènent « une frange de la population sur les chemins du racisme et de la xénophobie » (source).

La peur de l’islam, la peur de Harper… ces craintes qui n’existent que dans la marge et qui n’ont que très peu de potentiel fédérateur. Des peurs qui divisent, au lieu de rassembler.

À ce stade-ci de la campagne qui en a encore pour une quinzaine de jours, les stratèges du NPD, du PLC et du Bloc doivent comprendre que l’enjeu de cette élection ne peut pas être un référendum contre Harper, s’ils veulent la remporter. Ils sont trois à se diviser le vote d’un côté (deux, en dehors du Québec) et le PCC est le seul de l’autre à récolter les fruits de cette polarisation.

« La campagne des David » doit consister à trouver vers quel parti ils veulent faire pencher leur vote, et le nommer expressément.

Le temps commence à compter.

Pour le moment, la division sert celui qui sait le mieux regrouper sa base électorale en l’élargissant juste assez pour espérer conserver le pouvoir.

Cette campagne ne ressemble en rien à la bataille de David contre Goliath.

On dirait plutôt la campagne des David contre Goldorak.

Goldorak est une fiction, tout comme la peur de l’islam ou la peur de Harper.

Serait grand temps de s’en rendre compte…

Ajout : Texte de Boucar Diouf, «Qui Harpeur du niqab ?»

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