Le Rapport Caire

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Quand François Legault a pris la décision en janvier dernier de mandater le député de La Peltrie Éric Caire pour qu’il s’attaque à l’inefficacité et au gaspillage de fonds publics, on s’attendait à ce que sa démarche traite de la façon dont on pourrait mettre de l’ordre dans le bordel informatique actuel au gouvernement du Québec. Heureusement, son rapport publié aujourd’hui va beaucoup plus loin. Il y est proposé un changement de culture pour améliorer la gestion de l’administration gouvernementale et l’efficacité de sa fonction publique.

Le journaliste à l’origine de plusieurs enquêtes ayant contribué à ce qu’on en vienne à qualifier de « bordel informatique » l’état de la gestion des contrats en informatique par le gouvernement du Québec rapporte dans son article de ce matin que le Rapport Caire se décline en quatre axes et va au-delà des idées reçues pour «régler une bonne fois pour toutes le déficit chronique de performance dont souffre l’État québécois» :

  • Les technologies de l’information : 30 % des ressources externes doivent être remplacées par des ressources internes et une politique d’utilisation du logiciel libre doit être adoptée. Un Centre d’excellence en technologies de l’information (CETIQ) doit remplacer le Centre des services partagés (CSPQ) et la fonction de Dirigeant principal de l’information (DPI) qui tous deux font davantage partie des problèmes que des solutions.
  • La réduction de la bureaucratie: D’ici 2025, l’ensemble des services administratifs devrait pouvoir être offert de manière interactive par le numérique, pour assurer une communication plus efficace entre les citoyens et l’État. On propose la création du « citoyen numérique », un identifiant numérique unique basé sur les données du Directeur de l’état civil.
  • La compétitivité : Revoir la règle du plus bas soumissionnaire pour valoriser davantage la qualité et l’analyse des offres de services. Utiliser judicieusement le benchmarking pour augmenter la compétitivité de chaque catégorie de professionnels de la fonction publique avec le secteur privé afin qu’ils soient rétribués en fonction de leur juste valeur et des besoins du marché. Évaluer la performance des ministères et organismes et entreprendre des négociations sectorielles.
  • L’efficacité : Une gestion décentralisée axée sur les résultats. Fin du No Fault avec les haut-fonctionnaires de l’État.

Plusieurs journalistes étaient présents lors de la conférence de presse présentant le rapport (1, 2, 3, 4) et il n’est pas étonnant que parmi les 36 mesures proposées, celle visant à «rendre plus imputables les sous-ministres et dirigeants d’organismes publics» soit la plus rapportée. Le communiqué faisant état «d’un nouveau pacte de responsabilité avec les mandarins de l’État» identifie également le nécessaire virage numérique que l’État doit entreprendre d’urgence.

Il n’a pas beaucoup été question dans les échanges entre les journalistes et Éric Caire de l’argumentaire étoffé qui précède chacune des mesures proposées, mais il convient d’en prendre connaissance. Dans la section qui porte sur les ressources informationnelles du gouvernement du Québec, le tableau qui montre la dépendance actuelle de l’État aux consultants externes est spectaculaire, surtout quand on compare avec d’autres juridictions.

« Selon la compilation de données du Vérificateur général dans son rapport de 2010-2011, l’acquisition de services professionnels auprès de fournisseurs privés est passée de 26 % des dépenses afférentes à la main-d’oeuvre en informatique des ministères et organismes en 1996-1997 à 52 % en 2008-2009. Selon les données du VG, les dépenses en RI liées à des ressources externes se sont maintenues entre 8 % et 24 % dans les autres gouvernements provinciaux et les États dans le monde. »

L’écart important entre les dépenses ontariennes dans le domaine de l’information et technologies de l’information (ITI) et celles du Québec ainsi que les nombreux dépassements de coûts dans les projets gérés par les ministères et organismes québécois démontrent l’urgence d’agir autant que la nécessité d’adopter de nouvelles pratiques. Les exemples de mauvaise gestion, les références aux écarts entre le privé et le public, le portrait de situation au CSPQ, la sous-estimation chronique du potentiel d’utilisation du logiciel libre et la fracture entre les usages d’Internet des Québécois et l’offre famélique du gouvernement du Québec sur le Web y sont tous bien documentés.

Le Rapport Caire n’est pas qu’une liste de 36 mesures pour augmenter l’efficacité de l’État, il établit de nombreux constats qui devraient intéresser les citoyens afin qu’ils comprennent le rationnel derrière les solutions proposées.

Un des meilleurs exemples se trouve dans la section sur les infrastructures scolaires. Le parc des 4 132 bâtiments des commissions scolaires souffre d’un déficit de maintien d’actif de plus d’un milliard et demi de dollars. Dans le contexte où on souhaite réduire les responsabilités des commissions scolaires qui ont prouvé leur incompétence à gérer ces bâtiments et dans celui où on veut que le pouvoir se rapproche des écoles, la Coalition avenir Québec propose de confier par souci d’efficience la majeure partie de la gestion des infrastructures scolaires à la Société québécoise des infrastructures (SQI) qui gère déjà la plupart des infrastructures gouvernementales, dont ceux de la santé. La construction de nouveaux bâtiments pourrait aussi lui être confiée et certaines municipalités pourraient aussi lui être associée par des ententes de gestion.

Le signal à l’effet d’installer une vraie budgétisation axée sur les résultats me ravi au plus haut point. Je comprends de la proposition d’abolir la fonction du DPI que dans les faits, on s’est aperçu que ce poste assurait plutôt la gestion des technologies au lieu de la gestion de l’information, ce qui aurait dû normalement être le cas dans un État moderne comme devrait être le Québec.

Une annexe du Rapport Caire qui s’inscrirait dans la foulée de l’adoption d’une stratégie numérique pour le Québec comprendrait je l’espère, la création d’un vrai poste de gestionnaire de l’information gouvernementale doté d’une loi d’accès à l’information complètement réécrite et aussi celui d’un « Chief Digital Officer » à la manière dont procède la Ville de New York ou la France, avec son administrateur général des données !

Longue vie au Rapport Caire…

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