Shakespeare a le dos large !

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Quand Alexandre Cloutier a parlé d’un affrontement «shakespearien» entre lui et Véronique Hivon, je me suis tout de suite demandé ce qu’il voulait dire exactement. Quel message voulait-il envoyer ?

Je ne suis pas un exégète de l’oeuvre du grand créateur anglais William Shakespeare. Seulement j’ai eu beau y réfléchir, à part ajouter à la confusion ou créer un malaise, je ne vois pas vraiment ce que le député de Lac-Saint-Jean voulait faire exactement.

Un drame ou une tragédie ?
Alexandre Cloutier aurait voulu évoquer le caractère dramatique de cette lutte probable entre deux amis ou il avait envie d’affirmer que ce serait tragique que deux personnes proches sur le plan des idées s’affrontent dans une course, il n’aurait pas pu choisir un meilleur terme pour caractériser le duel qui s’annonce.

J’ai trouvé la réponse en lisant un article de Denis Lessard dans lequel Bernard Landry prévient tout le monde: « On perdrait notre temps à faire une course ».

Télécommandé ou pas par le camp Cloutier, le message de l’ex premier ministre du PQ n’avait pour objectif que de décourager les velléités de la députée de Joliette.

En ce sens, la candidature de Véronique Hivon deviendrait un drame ou une tragédie.

Bien essayé.

Une comédie satirique ?
Je ne peux pas croire que c’est le sens que voulait donner celui qui a terminé bon deuxième à la précédente course au leadership péquiste.

Après tout, Véronique Hivon est à prendre au sérieux et une partie du résultat obtenu dans un passé récent vient justement de l’appui de Mme Hivon.

La décision que s’apprête à prendre Véronique Hivon de se lancer à la poursuite de la plus haute fonction au PQ n’a pourtant rien à voir avec une critique moqueuse du rôle qu’elle pourrait être appelée à jouer.

La confrontation des idées de deux personnes de valeur ne peut souffrir de ce sens «shakespearien» qu’on voudrait accoler à la course à venir.

Oublions cette hypothèse.

Une sorte de pièce lyrique du genre «Songe d’une nuit d’été» ?
La démocratie athénienne a beau inspirer Alexandre Cloutier, il n’y a aucune chance que le duel avec Véronique Hivon génère à ce point chez lui l’enthousiasme, l’exaltation ou l’émotion personnelle intense.

Si quelqu’un peut contrecarrer les plans du premier aspirant dans les sondages, c’est bien celle qui a l’appui d’une majorité au caucus des députés du Parti québécois.

Même l’intervention hier du député de Gaspé Gaétan Lelièvre paraissait cousue de fil blanc.

Le billet de mon collègue ici à l’effet que Alexandre Cloutier « ne bénéficie pas d’un nombre important d’appuis au sein de la députation péquiste » a dû viser pas mal juste pour qu’une sortie aussi soudaine soit nécessaire.

Il n’y a rien de poétique dans ce qui s’annonce au PQ.

Une controverse romantique comme en a écrit si souvent Shakespeare
La dernière fois qu’on a utilisé l’expression «drame shakespearien» pour qualifier une course au leadership au PQ, c’était Louise Beaudoin qui l’avait fait.

Drôle de hasard.

L’ex ministre dans plusieurs cabinets péquistes trouvait très particulier le contexte de l’arrivée de Pierre-Karl Péladeau à la succession de Pauline Marois. Elle évoquait la possibilité que PKP soit « contraint à faire l’ultime et déchirant choix de céder ses actions ou d’aller en politique ».

On connaît maintenant l’issu.

Alexandre Cloutier souhaite peut-être nous refaire le coup de la déchirure, mais cette tendance à grossir exagérément la charge émotive des choix qu’ont à faire ceux qui souhaitent simplement s’affirmer va finir par créer l’effet inverse.

Il n’y a qu’une explication au fait de vouloir exagérer l’enjeu d’une course en la qualifiant d’affrontement «shakespearien» et c’est celui de jouer dans la tête d’une personne sensible et animée des meilleures intentions.

Véronique Hivon doit se méfier de Alexandre Cloutier.

Mise à jour: Un internaute (Richard) par l’entremise de Facebook avance une hypothèse intéressante… « Il voulait probablement parler de « dilemme cornélien » plutôt, expression véritable celle-là de la langue française, qui signifie « choix impossible entre deux valeurs tout aussi importantes et estimables l’une que l’autre »… ». Alexandre Cloutier aurait mieux fait d’employer cette expression, en effet.

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