La réussite éducative pour effacer deux ans de mauvaise gouvernance

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Le choix du gouvernement de Philippe Couillard de lancer des consultations en vue d’élaborer une première politique de la réussite éducative est très habile. C’est probablement la meilleure des stratégies pour faire oublier les mauvais choix de ministres et de politiques en éducation du premier ministre du Québec, depuis qu’il a été élu en avril 2014.

Je me souviens au sortir du Forum des idées pour le Québec de septembre 2015, que le premier ministre avait mis beaucoup l’accent sur l’importance de mettre fin aux élections scolaires. Je m’en souviens parce que j’étais sur place et que j’ai pris beaucoup de notes

C’était il y a un an.

François Blais avait remplacé l’ineffable Yves Bolduc à la tête du ministère de l’Éducation. Il était allé lui-même annoncer aux commissions scolaires à leur assemblée générale que c’était terminé.

Par la suite, sur fond de compressions en éducation, le gouvernement proposait dans une législation de donner plus de place aux parents, aux directions d’écoles et aux conseils d’établissement dans la gouvernance scolaire.

Maintenant à l’aube du 4e Forum des idées pour le Québec qui a pour thème «Des politiques sociales pour le 21è siècle», je me demande de plus en plus pourquoi « le parti de l’économie » tient ces rassemblements puisqu’il s’applique essentiellement à faire l’inverse de ce qu’il entend à l’occasion de ces évènements annuels.

En 2014 au 2e Forum des idées par exemple, il avait été question de l’importance de se doter d’une stratégie numérique coconstruite, une sorte de « Plan Nerd » pour affirmer haut et fort que « la matière première de l’ère du savoir, de la société en réseau, elle n’est pas dans le sol, elle est dans la tête des Québécois » (source).

Deux ans plus tard, on cherche encore où est le Plan Nerd !

Cela dit, Sébastien Proulx a succédé à Pierre Moreau qui lui, avait pris la place de François Blais.

Après avoir largué le Projet de « loi modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher l’école des lieux de décision et d’assurer la présence des parents au sein de l’instance décisionnelle de la commission scolaire », on ouvre la présente session parlementaire avec des consultations publiques sur la réussite éducative.

En soi, c’est une bonne idée.

S’en est une meilleure encore si on veut pouvoir se targuer d’avoir réalisé quelque chose en éducation dans un mandat de quatre ans et demi, aux abords du 1er octobre 2018.

Le document de consultation est bien fait. Il présente une vision assez complète de ce peut représenter la réussite éducative et il propose une cinquantaine de piste d’actions qui ont le potentiel de soulever de l’intérêt. On pourra donner son avis en ligne jusqu’au 10 novembre. Des consultations publiques régionales sont prévues du 11 octobre jusqu’à la fin du mois de novembre 2016 (source).

L’énoncé de positionnement n’étonnera personne: « Après avoir relevé le défi de donner l’accès à l’éducation à tous, le gouvernement oriente ses stratégies vers la réussite pour tous ».

J’aime assez la réaction de l’enseignement privé: « Diplômer les élèves est essentiel, mais la réussite éducative ne se limite pas à l’obtention d’un diplôme » (source).

De nombreuses organisations ont assuré leur participation au ministre (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, etc.).

Personne n’est contre la vertu.

De toutes les pistes d’action, certaines me paraissent plus porteuses, dont celles qui touchent l’intervention à la petite enfance et celles adaptées aux élèves ayant des besoins particuliers. J’espère aussi que parmi celles portant sur la qualité de l’enseignement et des pratiques pédagogiques, on retiendra l’importance de la création d’un Ordre professionnel pour les enseignantes et les enseignants.

Bien entendu, j’ai apprécié dans le complément d’information qu’on traite de « l’éducation dans une société numérique » en général, et plus spécifiquement de littératie numérique et d’apprentissage de la programmation à l’école. On ne dira jamais assez souvent jusqu’à quel point le compréhension du rôle des algorithmes est déterminante pour former des citoyens créateurs et moins consommateurs de n’importe quoi. J’aurais préféré qu’on propose d’agir pour que les enseignants et les élèves travaillent davantage en réseau, mais bon…

Ma plus grande critique du document viendra d’ailleurs de ce qu’il ne contient pas.

Aucune proposition pour rendre l’école publique vraiment autonome.

Condition essentielle pour favoriser la réussite éducative, on ne parle pas dans les pistes d’action de mettre fin aux portes tournantes parmi le personnel des écoles. Rien non plus sur les séances de repêchage qui agissent pour empêcher les jeunes enseignants de s’insérer honorablement dans la profession.

Maintenir un taux de roulement élevé du personnel des écoles publiques comme c’est le cas actuellement, c’est exposer les élèves à des complications inutiles. Essayez d’élever des enfants en changeant de parents à tout bout de champs… vous m’en donnerez des nouvelles!

Ah si les écoles publiques pouvaient engager par elles-mêmes leur personnel et disposer des moyens pour les garder davantage dans leur école quand elle le souhaite…

Le gouvernement jusqu’à maintenant s’est limité à faire croire que discuter de ces enjeux autour de l’autonomie des établissements scolaires, c’était « jaser structure », mais il faudra un jour avoir le courage de donner à l’école les moyens de ses ambitions pour favoriser la réussite scolaire.

Il y a des raisons qui expliquent que dans plusieurs pays on favorise l’autonomie pédagogique et celle des écoles. Parmi ces raisons, il y a la réussite éducative.

De tous les leviers pour passer du libre accès à l’éducation vers la réussite du plus grand nombre, il n’y a pas meilleur.

Le lien entre l’autonomie pédagogique et les résultats scolaires dans 65 pays est bien exprimé par ce tableau issu d’une étude de l’Institut économique de Montréal (IEDM), «Autonomie pédagogique et responsabilisation : une recette pour améliorer les résultats scolaires».

Dans le document publié par l’IEDM, on cite l’exemple du Japon (les pays d’Asie arrivent en tête du classement de la dernière enquête PISA de l’OCDE sur l’état de l’éducation dans le monde), les écoles rapportent que les enseignants et/ou les écoles choisissent seuls :
• les politiques d’évaluation des élèves dans 98 % des cas;
• les livres et manuels à utiliser dans 89 % des cas;
• le contenu des cours (à tout le moins l’itinéraire) dans 89 % des cas;
• les cours qui sont offerts dans leurs écoles dans 90 % des cas.

«Cette autonomie pédagogique diffère énormément de celle que connaissent les pays en queue de ce classement, comme la Turquie ou la Grèce. Dans ce dernier pays, seulement 29 % des enseignants et directeurs choisissent seuls les façons d’évaluer les élèves, 5 % choisissent seuls les manuels, 2 % choisissent seuls le contenu des cours, et 4 % choisissent seuls quels cours sont offerts».

Certaines conditions sont nécessaires pour que l’autonomie pédagogique entraîne une amélioration des performances scolaires. En premier lieu, ces avantages de l’autonomie se concrétisent uniquement dans les systèmes qui obtiennent déjà de relativement bons résultats (Une étude: « Does School Autonomy Make Sense Everywhere? Panel Estimates from PISA »), comme c’est le cas au Canada et au Québec. Dans les pays où le système scolaire est peu performant au départ, comme au Pérou, en Indonésie ou au Qatar, plus d’autonomie n’améliorerait pas nécessairement les choses.

Il faut également que les enseignants et la direction des écoles soient responsabilisés par rapport à leurs décisions (consulter cette autre étude de l’OCDE : «Autonomie et responsabilisation des établissements d’enseignement : quel impact sur la performance des élèves?»). « Dans les systèmes scolaires moins responsabilisés, davantage d’autonomie pédagogique pourrait se retourner contre les élèves et mener à de moins bons résultats lorsqu’il n’y a aucun moyen de sanctionner les mauvais choix ».

Puisqu’il est permis de puiser ailleurs que dans les cinquante pistes d’action, je suggère à tous de ne pas se gêner pour y aller des bonnes mesures qui fonctionnement dans vos milieux pour améliorer la réussite éducative!

L’invitation à participer aux consultations est lancée. Saisissons-là en grand nombre…

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