Le calcul incohérent du ministère de l’Éducation

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

D’un côté, il existe une volonté exprimée d’utiliser le numérique pour faire apprendre et de l’autre, on constate une incapacité chronique à s’adapter. Pendant que le ministre de l’Éducation nous dit que « l’intégration des technologies numériques dans le système scolaire est reconnue comme une priorité par la communauté internationale » (source), la machine administrative du même ministère interdit la technologie dans les épreuves uniques de mathématique et de science, au secondaire.

Comme si la main gauche ne savait pas du tout ce que la main droite fait.

Plusieurs enseignants de mathématique et de science du secondaire échangeaient sur les réseaux hier au sujet de l’Info/Sanction numéro : 16-17-03. La directive est tombée sans avertissement dans les écoles : en 2016-2017, on restera à l’âge de pierre!

Le Groupe des Responsables en Mathématique au Secondaire (GRMS) a eu beau consulter ses membres au printemps dernier sur une recommandation de son conseil d’administration et obtenir un taux d’adhésion très majoritaire, le ministère n’en n’a pas tenu compte…

C’est l’iniquité de la situation actuelle où certains élèves entourés de technologies passent le même examen que ceux qui n’y ont pas accès qui a poussé le GRMS à demander au ministère de revoir ses pratiques.

Pas dans le sens du nivellement vers le bas, cependant.

En refusant de préparer deux types d’épreuves ministérielles pour favoriser l’équité et encourager l’innovation pédagogique, le ministère semble en même temps encourager l’inertie et miner l’autonomie pédagogique.

Les enseignants ne sont pas tous rendus au même endroit dans l’intégration des Technologies de l’Information et des Communications (TIC) à leur enseignement. Tout le monde en convient et l’idée n’est pas d’exiger que tout le monde rejoigne le progrès en même temps.

Le message que cette directive envoie plaira probablement aux 25 à 30% d’enseignants du Québec qui plaident pour aucune technologie dans la classe (statistiques qui me viennent du GRMS), mais il laisse perplexe la grande majorité des autres.

Plusieurs professionnels du gouvernement ont été rencontrés à la suite de cette consultation du printemps 2016, mais il faut se rendre à l’évidence : l’avis du GRMS n’a pas pesé bien lourd auprès de ceux qui avaient à prendre la décision.

Avec une directive semblable, de mon point de vue, c’est comme si le ministère de l’Éducation disait aux enseignants de mathématique et de science : « Votre autonomie pédagogique… vous savez où vous la mettre! »

Ou encore : « Le virage numérique et l’innovation en enseignement… nous, on s’en tape »!

Je lisais ce billet d’un professeur d’université publié hier qui se félicitait qu’une masse critique d’étudiants en enseignement soit enfin prête à intégrer les TIC à leur enseignement. Ils n’ont certainement pas lu l’Info/Sanction paru hier.

J’ai poussé un peu plus loin ma recherche concernant le point de vue du GRMS et j’ai contacté le président du groupe pour vérifier ce qu’il en pensait. Son message était très clair…

« Comment pouvez-vous demander à des enseignantes et des enseignants d’innover, d’améliorer leurs approches pédagogiques lorsque l’on vous dit que les outils technologiques actuels ne sont pas permis aux épreuves ministérielles ? Ne soyons pas surpris alors que l’on entraîne des élèves à ces épreuves et que l’on ne vérifie pas l’essentiel, c’est-à-dire s’ils sont compétents en mathématique. Cette épreuve dans sa forme actuelle nuit à l’autonomie de l’enseignant au coeur même de sa pédagogie ainsi qu’à l’utilisation des outils technologiques en classe. »

Le fameux « teach to test ». Rien de pire pour dévaloriser la profession que de devoir enseigner pour les examens.

Jocelyn Dagenais met le doigt en plein sur le bobo…

J’écoutais cette fin de semaine certains reportages des émissions La sphère et Les années lumière concernant l’importance d’apprendre aux élèves la programmation informatique. Pas pour livrer les élèves au marché de l’emploi, mais pour mieux structurer leur pensée.

L’apprentissage du code c’est loin de constituer un enjeu de technologie…

Je l’écrivais hier, l’autonomie pédagogique des enseignants est au coeur de la réussite éducative.

Si la machine administrative du ministère de l’Éducation dicte maintenant le rythme du progrès aux enseignants du Québec par son incapacité à suivre le rythme d’évolution des pratiques en classe, on n’est pas sorti de l’auberge!

Ajout: Le point de vue d’un directeur d’école sur le même sujet.

Mise à jour du 27 septembre: La direction de la sanction des études du ministère de l’Éducation annule sa directive dont il est question plus haut dans ce billet et reprend sa réflexion…

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