Le disque de l’ADISQ saute

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section blogue.

L’association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) s’est offert une nième tournée des médias la semaine dernière pour lancer un cri d’alarme. Une vague impression du jour de la marmotte…

Je relisais cet article de mars 2007 où il est question de « l’industrie de la musique qui souffre »… Toujours la même solution: « Le prochain gouvernement devra inévitablement apporter une aide accrue aux artistes et aux producteurs musicaux ». (Ajout: Michelle Blanc a aussi écrit sur le sujet en 2007 pour dire à l’ADISQ qu’elle enfourchait le mauvais cheval de bataille)

Presque dix ans plus tard, l’ADISQ répète le même message: « Sans une aide étatique rapide, l’industrie québécoise de la musique se dirige droit au mur » (source).

La bonne vieille cassette!

Les médias de masse ont joué le jeu avec beaucoup d’empressement et le « Cri d’alarme de l’ADISQ » a résonné de toute part.

« Si rien n’est fait aux niveaux financier, législatif, réglementaire ou fiscal, on ne trouvera plus les conditions de pérennité de notre culture nationale, pense Mme Drouin » (directrice générale, ADISQ).

Il fallait de l’argent neuf pour assurer une transition. Il faut encore maintenant plus d’argent pour la transition.

Je comprends que les choses évoluent rapidement, mais pourquoi faudrait-il croire l’ADISQ sur parole ?

L’équation est tellement simpliste…

Le public n’achèterait plus la musique, il préfèrerait la louer par l’entremise des services de lecture en continu en ligne (streaming). Conséquemment, il faut trouver le moyen d’injecter plus d’argent dans le système, histoire de s’adapter, le temps de trouver un modèle d’affaires qui sera viable pour l’industrie québécoise de la musique.

L’industrie telle qu’elle existe actuellement ?

Perso, je n’embarque pas du tout dans cette ritournelle que l’ADISQ chante depuis plusieurs années, même si je conviens que la montée en puissance du streaming ébranle les colonnes du temple musical.

L’avis de plusieurs internautes de mon réseau est tellement plus équilibré, et surtout, les points de vue sont tellement plus variés…

Nellie Brière
« Le produit «musique» (voir le contenu en général) est dématérialisé et infini désormais. Il ne peut plus avoir de valeur en tant qu’objet dans notre système économique » (source).

Sylvain Carle
« Juste les besoins de l’industrie, pas ceux des consommateurs. Je ne dis pas que tout est rose, au contraire, mais c’est une question qui mérite plus que le non-débat simpliste… Un point de vue à considérer, Streaming Music Enjoys Revenue Uptick To $3B » (source).

Martin Lessard
« Défendre une chaîne de valeur d’une industrie est une chose, défendre les intérêts d’acteurs qui voient leur valeur ajoutée fondre est une autre chose » (source).

Guillaume Déziel
« Les créateurs souffrent aujourd’hui des effets pervers d’une infantilisation qui date de l’âge d’or du « record ». Leur incompréhension du système, dans lequel ils œuvrent, m’est apparue évidente au terme de ces 48 heures de discussions. On ne peut cependant pas leur en tenir rigueur, car le manque de transparence de leur industrie a, durant de trop longues années, fait d’eux les victimes d’un système créé vraisemblablement à leur désavantage. D’ailleurs, on s’en rend mieux compte aujourd’hui, maintenant que les profits sont moins au rendez-vous » (source).

Martin Ouellet
« L’enjeu est profond: le financement de l’art est pour le bien des consommateurs. Opposer un et l’autre n’est pas nécessairement la solution. Cela dit, les ventes des chansons sont en baisses et celles de prix des spectacle sont en hausse. Le financement se déplace. Isoler une colonne de Excel© et crier au loup ok, mais pas au nom des artistes, mais à celui des sociétés de gestion de droit svp » (source).

Jean-Robert Bisaillon
« Par ailleurs, il faut savoir que le créateur est un artisan et que la machine qui assume depuis toujours la distribution de la musique enregistrée et des spectacles est une bête affamée et gigantesque. Si les multinationales du disque ont historiquement été impitoyables envers les musiciens, imaginons ce que ces derniers représentent pour Apple Music ou Google Play » (source).

Josée Plamondon
« Ne pas être préoccupé de la présence et de la visibilité des contenus des industries culturelles et créatives sur le web, c’est, pour une institution: attendre d’être obsolète ou, pour une entreprise : être bientôt ou déjà mise hors jeu par les grands intermédiaires technologiques. Mais dans tous les cas de figure, c’est être les grandes perdantes de la guerre que se livrent les grandes plateformes pour occuper nos écrans et promouvoir les contenus qu’elles ont sélectionnés en fonction de leur stratégie. Cette stratégie repose fondamentalement le transfert de la création de valeur, du produit à la plateforme » (source).

Bref, il y a plusieurs autres positions dans ce débat sur les mutations numériques dans l’industrie de la musique et il n’est pas raisonnable que la seule voix de l’ADISQ prédomine dans l’actualité.

On lit à plusieurs endroits que ce jeudi 29 septembre, les journalistes seront de nouveau conviés par l’ADISQ pour la présentation de « différentes demandes urgentes adressées au gouvernement québécois » (source).

Sans doute sera-t-il question de redevances que les fournisseurs d’accès Internet ou les fabricants d’appareils pouvant lire les fichiers musicaux numériques pourraient avoir à payer. Sur ce point précis, il y a plusieurs questions qui se posent avant d’aller plus loin:

  • Plus d’argent pour produire davantage de musique ?
  • Plus d’argent pour la création ? Pour la formation des créateurs ?
  • Plus d’argent pour se doter de nouvelles stratégies de mise en valeur des contenus culturels ?

Je lisais sur le profil Facebook de Guillaume Déziel (ex-gérant de Misteur Valaire) cette fin de semaine que la priorité devrait être que « des stratégies et des moyens soient mis à disposition de ce contenu culturel pour qu’on le découvre (métadonnées), qu’on en jouisse dans toutes circonstances (interopérabilité) et qu’on y ait accès (mise a disposition, libre circulation, promotion, etc.).»

J’espère que l’ADISQ sera plus originale dans ses propositions que ce qu’elle nous a montré depuis dix ans.

Mise à jour du 28 septembre: Excellent édito de Pierre Asselin (Le Soleil) et ce n’est pas parce qu’il cite ce billet de blogue que je le qualifie ainsi…

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