Gestion des commissions scolaires : plusieurs questions se posent…

L’actualité politique des derniers jours fait ressortir au grand jour les problèmes de communication entre le gouvernement et les commissions scolaires du Québec. Mais il semble y avoir plus grave encore. Reprenons doucement la séquence des événements…

  • En février 2013, Marie Malavoy encourage une hausse des taxes scolaires « pour atténuer l’effet des compressions qu’elle refile aux commissions scolaires » (250 M$ sur deux ans) consécutives à l’abolition d’un programme de péréquation.

    « Mme Malavoy estime que les commissions scolaires ont donc une «marge de manoeuvre» et les invite à utiliser ce pouvoir de taxation. «Si vous payez actuellement 0,21 $ [pour chaque] 100 $ d’évaluation pour votre propriété et que la loi permet [un maximum de] 0,35 $, on dit aux commissions scolaires vous pourriez choisir augmenter de quelques sous et vous iriez chercher de l’argent neuf. Il n’y a pas de raisons que ce soit tout le Québec qui paie pour que vous gardiez un taux de taxation plus bas que ce que la loi permet.» Mme Malavoy a par ailleurs précisé qu’en plus de pouvoir demander un effort additionnel aux citoyens, les commissions scolaires peuvent aussi choisir de réduire leurs dépenses. »

  • Les commissions scolaires ne le digèrent pas du tout, ayant à absorber quelques 300 M$ de coupures imposées depuis deux ans.
  • La Coalition Avenir Québec est intervenu en avril pour dire qu’en plus de pouvoir couper dans leurs frais administratifs (autour de 570 M$, bon an mal an), les CS disposent de surplus accumulés de plus d’un milliard de dollars. À la suite de ces pressions, dans la publication des règles budgétaires pour l’exercice financier 2013-2014, la ministre de l’Éducation ajoute la possibilité de puiser jusqu’à 32% dans ces surplus.
  • Néanmoins, à partir du mois de juin, les contribuables reçoivent tout l’été des comptes de taxes qui contiennent des augmentations salées. La Coalition met en ligne un site Web pour répertorier ces augmentations : www.taxescolaire.com.
  • Les députés, dans leur comté, reçoivent de nombreuses plaintes liées à ces augmentations injustifiées des taxes, d’autant qu’aucun ajout de services n’est prévu. Le gouvernement a en quelque sorte sous-traité des taxes aux commissions scolaires et il est rapporté que Mme Malavoy vit assez bien avec la situation : « Dans ce que j’ai vu, personne n’a grimpé le compte de taxe scolaire au-dessus de ce que la loi permet, soit 35 sous du cent dollars d’évaluation. Dans la plupart des cas, ça tourne autour de 23 ou 25 sous du dollar d’évaluation. »
  • Changement de cap en septembre avec la rentrée parlementaire. La première ministre fait volte-face ayant probablement entendu parler de la légitime grogne des citoyens :

    « «Parlez-moi pas des taxes scolaires, parce que je suis tellement mécontente de la façon qu’ont travaillé les commissions scolaires. (…) Il y avait une aide temporaire qui leur avait été apportée, et plutôt que de travailler depuis les dernières années pour resserrer les règles de gestion, ils ont envoyé ça sur le dos des citoyens», a réagi Mme Marois. «On a un petit rendez-vous qui nous attend, elles et moi, et on aura une bonne discussion sur cette question-là», a-t-elle promis. »

  • Je pourrais épiloguer sur notre stupéfaction à la Coalition de ce retournement de situation. On pourrait aussi spéculer sur comment Mme Malavoy doit se sentir, mais il y a plus intéressant : les réactions des commissions scolaires. « Grand étonnement ». La première ministre parlait d’une rencontre… on comprenait que le rendez-vous était déjà pris, mais il n’en est rien. « Dans ce contexte, la FCSQ demande une rencontre urgente avec la première ministre ».

Dans un article qui vient d’être publié sur le portail Canoë, on apprend que les commissions scolaires ont subi des compressions d’un demi-milliard de dollars depuis trois ans et que « leurs frais administratifs sont passés de 5,6 à 4,9 % de leur budget pendant ce temps-là ».

Observateur intéressé de ces questions de dépenses administratives, on comprendra que ma machine à calculer personnelle s’est affolée. Disposant d’un budget total d’un peu plus de 10 milliards de dollars en 2010-2011 (10 G$), je savais déjà que ces frais administratifs représentaient autour de 570 M$ à ce moment, mais on apprend maintenant qu’au 30 juin 2013, au bout de toutes ces coupures, ces mêmes frais administratifs auraient diminué d’à peine 55 M$ et s’élèveraient à 515 M$ (le budget 2012-2013 qui a augmenté à autour de 10,5 G$ x 4,9%). J’espère me tromper, mais c’est ce que les chiffres semblent indiquer. Si on se fie à la déclaration de la présidente de la Fédération des commissions scolaires (frais administratifs passés de 5,6 à 4,9 % de leur budget sur trois ans), c’est ce qu’il faut déduire.

Cela amène plusieurs questions :

  • Comment des organisations coupées de 500 M$ et devant l’avoir fait dans leurs frais administratifs ont été chercher les 445 M$ manquant, sachant que ce n’est que l’an prochain qu’ils pourront véritablement puiser dans 32% de leurs surplus accumulés ? OK… ils pouvaient puiser dans leurs surplus à la hauteur de 10%, mais notre chiffre de plus d’un milliard$ de surplus accumulés date du 30 juin 2012. Une portion de ce 445 M$ a possiblement été puisée dans les surplus, disons.
  • L’hypothèse de coupures dans les services directs aux élèves étant la plus probable pour expliquer une bonne partie des sommes qui manquent, comment le gouvernement peut-il se regarder dans le miroir étant responsable de la hausse des taxes scolaires et d’autant de laxisme dans la supervision de la gestion des commissions scolaires qui se targuent publiquement d’avoir fait aussi peu d’efforts dans leur administration, ce, pendant que le nombre d’élèves diminuait et que le nombre de cadres augmentait ?

On comprend maintenant mieux ce que la Fédération des comités de parents du Québec dénonçait la semaine dernière comme coupures dans les services aux élèves.

Espérons que la rentrée en Chambre permettra d’éclaircir la situation…

Mise à jour du 7 septembre : Une chronique de Antoine Robitaille au Devoir nous apprend que 193 des 200 M$ de coupures aux commissions scolaires pour l’année financière 2013-14 ont été refilés aux contribuables via les hausses de taxe scolaire.

Ajout du 11 septembre 2013 : Autres rebondissements… « Malavoy critique des commissions scolaires ». « On a, particulièrement au mois d’août, fait une analyse détaillée de la situation des commissions scolaires, et effectivement il y en a un bon nombre qui n’ont pas pris leurs responsabilités comme on les invitait à le faire », aurait affirmé la ministre de l’Éducation ! On ne peut pas dire que cela a rassuré les commissions scolaires : « Les commissions scolaires en colère contre Marois » !

Ajout du 13 septembre 2013 : Certaines commissions scolaires ont tellement haussé les taxes scolaires qu’ils ont récolté ainsi plus d’argent que ce que leur enlevait les coupures. Lire « Des hausses de taxes salées » dans La Presse+. Le gouvernement « a coulé » hier après-midi un document qui cadre la rencontre prévue lundi entre les dirigeants des CS et le gouvernement. « Le gouvernement Marois envisage de forcer les commissions scolaires à rembourser les contribuables qui ont subi une hausse de taxe salée » explique Tommy Chouinard de La Presse qui semble avoir eu accès au document. Ma réaction : le message de la Coalition semble avoir très bien passé !

Ajout du 28 mai 2014 : Un projet de loi a été déposé à l’automne, mais il n’a pas été adopté avant le déclenchement des élections générales. Avec l’arrivée d’un gouvernement libéral, je constate que le nouveau ministre de l’éducation tente de présenter une sorte de dilemme, mais c’est de la rhétorique prébudgétaire. Dans les faits, non seulement il n’y aura pas de remboursement, mais une indexation du compte de taxes scolaires attend les québécois.

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2 Commentaires
  1. […] ai parlé abondamment sur ce blogue, 193 des 200 millions de dollars de coupures du gouvernement lié à l’abandon sur trois ans […]

  2. […] Il fallait s’attendre à ce départ. La mauvaise gestion du dossier des hausses de taxes scolaires devenait impossible à défendre pendant toute une campagne (1, 2, 3, 4). […]

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